Mercredi 11 mai 2022, une pétition pour le respect des droits des communautés indigènes a été remise à la compagnie Pan American Silver, lors de l’assemblée annuelle de ses actionnaires. Angus Wong, représentant de l’organisation SumOfUs, a déposé une pétition signée par plus de 85 000 personnes, mais s’est vu refuser l’accès à l’assemblée. Pan American Silver est une entreprise basée au Canada connue pour ses projets d’exploitation minière controversés en Argentine, au Guatemala, au Mexique et au Pérou.
Une semaine auparavant, différentes communautés affectées par les projets de Pan American Silver s’étaient réunies au Guatemala lors d’un sommet. Parmi eux se trouvaient le parlement du peuple Xinka et la résistance pacifique de Santa Rosa, Jalapa et Jutiapa, du Guatemala, ainsi que du côté argentin, la Communauté de Chacay Oeste y Laguna Fría, les voisins de la communauté de Mallín de los Cual de Gan Gan, et l’union des assemblées des communautés de Chubut. Leur objectif : montrer que la réalité qu’ils vivent est bien différente de celle que présente la Pan American Silver en partageant leurs expériences de résistance et en s’organisant pour faire respecter leurs droits.
Mines controversées, droits humains bafoués et environnement pollué
En Argentine, Pan American Silver fait pression depuis 2009 sur le gouvernement provincial de Chubut pour développer le projet Navidad, usant de corruption et harcelant les communautés locales. L’entreprise continue de travailler sur des terres sacrées pour le peuple Mapuche Tehuelche, malgré leur opposition clairement exprimée. Bien qu’elle prétend être attachée aux droits humains et indigènes, la compagnie ne reconnaît pas le peuple Mapuche Tehuelche.
Au Guatemala, Pan American Silver a racheté en 2019 la mine Escobal, dont l’exploitation avait été suspendue en 2017. Après des années de mobilisation et de répression violente ayant causé le décès de deux manifestants, les communautés Xinka ont réussi à prouver qu’elles n’avaient pas été consultées en bonne et due forme, selon les traités de l’Organisation Internationale du Travail. Un processus de consultation, toujours en cours actuellement, a été lancé en 2021.
Au Mexique, afin d’exploiter une mine dans l’État de Zacatecas, la Pan American Silver a organisé le déplacement forcé de 230 personnes de la communauté de La Colorada entre 2013 et 2017.
Au Pérou, entre 1995 et 2012, Pan American Silver a reçu 22 amendes pour des dommages environnementaux liés à ses opérations dans la mine de Quiruvilca. Plutôt que d’assumer la responsabilité de la pollution causée, l’entreprise a revendu la mine en 2012 à un nouveau propriétaire qui a abandonné l’exploitation en 2017. Depuis, des niveaux extrêmement élevés de contamination aux métaux lourds dans la rivière voisine, du Rio Moche, ont été plusieurs fois détectés. Les mêmes problèmes de contamination aux métaux lourds ont été repérés dans la vallée voisine de Condebamba, où Pan American Silver a acquis la mine de Shahuindo, dans le nord-ouest du pays.
Pour en finir avec le profit mal acquis aux dépens des peuples indigènes
La Pan American Silver a été fondée en 1994 et a commencé ses activités avec une seule mine, celle de Quiruvilca au Pérou. Les communautés indigènes affectées accusent l’entreprise de fonder sa croissance et sa richesse sur la violation des droits des peuples indigènes. En profitant de la souffrance de certains peuples, elle finance des stratégies de dépossession et de corruption à d’autres endroits. Et la Pan American Silver ne souhaite pas s’arrêter là. Elle compte agrandir le projet de La Colorada, au Mexique, et relancer les projets de Navidad en Argentine et Escobal au Guatemala, qui ont actuellement été mis à l’arrêt par la résistance indigène.
Entre avril et mai 2022, les actions de la compagnie ont baissé de 30%. Certains économistes ont fait le lien avec la suspension de deux projets miniers en raison de la résistance civile et se sont alarmés du “risque” que constituent les questions environnementales, sociales et de gouvernance pour les entreprises. Nous nous retrouvons ainsi face à un choix faussement cornélien. D’un côté les profits d’une compagnie privée, de l’autre le respect du droit des peuples indigènes à l’autodétermination. Notamment le droit de déterminer quel type d’activité ils souhaitent autoriser sur leur territoire en prenant en compte les risques pour l’environnement, dont ils seront les premiers à subir les effets.
Les communautés indigènes ont appelé les gouvernements d’Argentine, du Guatemala, du Mexique et du Pérou à se positionner clairement et définitivement en faveur des peuples indigènes. Dans leur déclaration publiée à l’issue du sommet, elles mettent en avant la nécessité de développer un réseau de soutien, de résistance et de communication. Elles appellent toutes les communautés affectées par les activités d’extraction minière à unir leurs forces ; moyen le plus efficace de résister et faire valoir leurs droits.
En février 2022, nous vous avions partagé la victoire du peuple Cofán de Sinangoe en Equateur. Après des années de mobilisation et une plainte déposée en 2018 contre l’exploitation minière sur leurs territoires ancestraux, il a obtenu la reconnaissance de son droit à décider de l’avenir de ses terres. Au Guatemala, en revanche, c’est une autre exploitation minière qui a beaucoup fait parler d’elle ces derniers temps. En mars 2022, une enquête dénonçait les conséquences environnementales et sanitaires désastreuses de la mine Fenix, exploitée par la multinationale Suisse Solway. La lutte continue contre la Pan American Silver, et toutes les entreprises minières qui ne respectent pas les droits fondamentaux des peuples indigènes.
Sources principales :
Earthworks : “If Pan American Silver has 20 years to wait, we have all our lives to resist”
Resist Escobal : “Statement: Summit of Peoples Affected by Pan American Silver”
Swiss Info : “Denuncian que minera canadiense ignora a comunidades de Guatemala y Argentina”
Financial Post : “Pan American Silver’s dance with non-profits shows why ESG is now the main risk for miners”
SumOfUs : “Petition to stop destructive silver mining projects now.”
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Article rédigé par Anne-Sophie Fernandes