Le 12 juillet 2022, un article de Planète Amazone mettait déjà en exergue l’instrumentalisation de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI) en institution servant les intérêts économiques par la politique de Bolsonaro. Dernièrement, le tribunal fédéral vient de déclarer que la FUNAI et l’Union n’avaient pas adopté les mesures de démarcation nécessaires suite à une demande du peuple Nambikwara Mamaindê et devaient revoir les limites de la terre indigène Lagoa dos Brincos, située dans l’État du Mato Grosso.
L’histoire débute le 25 août 2008, quand des individus de la communauté Anunsu (région Nambikwara, en Amazonie brésilienne) ont dénoncé les menaces et intimidations provenant d’éleveurs de l’IT Vale do Guaporé, à travers une pétition signée par le Ministère Public Fédéral (MPF), ce qui a conduit à l’ouverture d’une enquête civile. Lors de l’enquête, la FUNAI a expliqué que, depuis 2005 déjà, une demande de révision des limites de l’IT Vale do Guaporé avait été effectuée par les autochtones Nambikwara Mamaindê. Suite à cette demande, la FUNAI avait entrepris, en 2010, de se pencher sur la démarcation du territoire de l’IT Lagoa dos Brincos. Elle avait alors constaté que « trois lagunes sacrées restaient en dehors de la zone délimitée, l’une d’entre elles ayant déjà été détruite par un ranch », alors même qu’elles constituent des lieux sacrés pour les communautés.
Pour corriger la démarcation de ces terres, la FUNAI avait décidé de mettre des panneaux indicatifs dans l’espoir de mettre un terme à la déforestation et éviter un conflit avec la ferme IT Vale do Guaporé. Trouvant la mesure insuffisante, en 2014, le MPF avait accordé 90 jours à la FUNAI pour entamer une procédure officielle de révision de la démarcation de l’IT Vale do Guaporé. L’année suivante, en 2015, la FUNAI avait dit accorder la priorité à « la conclusion des procédures d’identification et de délimitation déjà entamées » puis avait présenté, en 2016, une nouvelle carte de l’IT de Lagao dos Brincos. En 2019, suite à la réception d’une lettre du MPF, la FUNAI avait dit accepter la recommandation mais avait énoncé ses difficultés à la concrétiser. En 2020, le MPF avait déposé une action civile contre l’Union et la FUNAI.
L’action civile déposée par le MPF a récemment donné lieu à une sentence du Tribunal fédéral le 28 juin 2022. Celui-ci a donné raison au requérant et décidé que la FUNAI « devait revoir les limites de la terre indigène Lagoa dos Brincos, du peuple Nambikwara Mamaindê à Comodoro ». Le tribunal a ajouté que l’Union, comme la FUNAI, avaient « fait preuve d’omission en n’adoptant pas les mesures nécessaires pour faire évaluer la revendication du peuple Mamaindê, enregistrée en 2005 ». Cette omission de l’État pour la protection de l’environnement et des communautés autochtones a d’ailleurs été comparé par le juge, à la période de la dictature militaire car, selon lui, tout a été fait pour permettre l’exploitation des ressources naturelles et « toutes sortes de violences contre les groupes autochtones, pratiquées par des intérêts et des groupes privés ».
Dès lors, le Tribunal fédéral a accordé 30 jours maximum à la FUNAI pour publier une ordonnance constituant un groupe de travail et présenter le plan de travail pour la préparation du rapport d’identification et de délimitation circonstanciée (RCID). Ce rapport a pour objectif général de présenter le calendrier des activités (réunions, collecte d’information, travail de terrain, etc.). En cas de manque de respect des délais, une amende de 5 000 R$ par jour devra être assumée par la FUNAI et l’Union.
Source :
O Documento, Justiça determina que Funai faça revisão de limites de terra indígena Nambikwara em MT, 07/07/2022
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Article rédigé par Ophélie Poulet