Après la projection d’“Amazonia, Cœur de la Terre Mère”, que nous montrions pour la toute première fois dans sa version complète, Gert-Peter Bruch, co-réalisateur du film et président de Planète Amazone, Jojo Mehta, présidente de Stop Ecocide International et l’eurodéputée Saskia Bricmont ont ouvert un débat passionnant avec un public nombreux et enthousiaste
Un documentaire poignant pour dénoncer le démantèlement des droits des peuples indigènes en cours au Brésil
Interrogé par la modératrice du débat sur les raisons qui l’a poussé, avec la princesse Esmeralda, à réaliser ce film, Gert-Peter Bruch a expliqué que les désastres provoqués par le mandat catastrophique de l’ancien président Jair Bolsonaro ont été un point de départ pour ce nouveau projet : « tous les efforts réalisés pour protéger et assurer des droits aux peuples indigènes ont été balayés lors de ce mandat. », a-t-il expliqué, précisant que le film accompagne la première année du nouveau mandat du président Lula.
Le film expose l’ambivalence au sein même de la plus haute sphère de la diplomatie internationale face à Jair Bolsonaro. C’est d’autant plus grave que l’UE, la Belgique, la France, les Etats-Unis, et beaucoup d’autres pays occidentaux ont investi massivement dans des politiques internationales visant à protéger l’Amazonie, notamment par la démarcation des terres indigènes
“Dans les négociations, on ne parle plus que de finance et d’économie verte […] mais sans reparler des fondamentaux que sont la démarcation et la protection des terres indigènes qui ne sont pas terminées. Normalement, ce n’était qu’une première étape pour aller beaucoup plus loin, vers la restauration des territoires endommagés et un vrai modèle de sécurisation de ceux-ci. Mais, 35 ans plus tard, on fait totalement machine arrière.”, a déclaré Gert-Peter Bruch
Par ce film, nous voulons aussi montrer que l’inscription du droit à la démarcation des terres indigènes dans la Constitution brésilienne n’est pas suffisante à garantir son application. Un président comme Jair Bolsonaro peut totalement bloquer la démarcation des terres indigènes pendant l’intégralité de son mandat tout en incitant les envahisseurs à continuer de les envahir en toute impunité.
Pour combler cette faiblesse, les intervenants ont défendu la nécessité d’associer, à la démarcation de toutes les terres indigènes, la reconnaissance du crime d’écocide, le seul mécanisme juridique qui aurait le potentiel dissuasif nécessaire pour décourager les auteurs de destructions de l’environnement.
Reconnaître l’écocide pour protéger les territoires indigènes
Jojo Mehta, présidente de la Fondation Stop Ecocide International et intervenante dans le film, a démontré que la reconnaissance de l’écocide est fondamentale pour la protection de l’environnement et de ses gardiens.
La loi sur l’écocide soutiendra les défenseurs des terres et des forêts qui résistent chaque jour à l’écocide. Au Brésil, cette démarche serait particulièrement pertinente pour faire face à l’exploitation forestière illégale et aux invasions de terres indigènes. En effet, la reconnaissance de l’écocide au niveau mondial, pour laquelle se bat Planète Amazone depuis 2012, renforcerait les lois environnementales brésiliennes mais permettrait aussi d’imposer des sanctions pénales aux dirigeants de multinationales, qui continuent de se fournir en produits issus de la déforestation.
“Légiférer sur l’écocide permet aussi de changer les mentalités culturelles. Si l’écocide est classé au même niveau de gravité que le génocide, nous pourrons enfin comprendre que les dommages importants causés à l’environnement sont tout aussi terribles que les atteintes aux personnes et que ces deux crimes sont interconnectés“ a t’elle conclu lors d’une démonstration très appréciée.
La lutte indispensable contre le traité de libre-échange UE-Mercosur
Au-delà de l’Amazonie, les intervenants ont également mis en garde contre les risques qui pèsent sur les écosystèmes brésiliens, au premier lieu duquel l’accord de libre-échange en cours de négociation entre l’Union Européenne et les pays membres du Mercosur, dont fait partie le Brésil.
Saskia Bricmont, députée écologiste engagée contre ce traité et intervenante dans le film, a témoigné de la lutte politique autour de cet accord au Parlement Européen. En 2020, grâce à un contexte globalement défavorable aux traités de libre-échange, les eurodéputés étaient parvenus à bloquer l’accord. L’arrivée du Covid 19 avait ouvert une réflexion sur l’impact de la déforestation et l’émergence de pandémies, une réflexion poursuivie dans notre mini-série “Protégeons l’Amazonie”. Et la présidence de Jair Bolsonaro avait mis en lumière la situation désastreuse de l’Amazonie brésilienne et de ses gardiens.
“[le traité de libre-échange UE-Mercosur est] un accord commercial qui date d’une autre époque, qui est basé sur un mandat de négociation d’il y a plus de 20 ans, quand on ne parlait pas des objectifs climatiques, de la préservation des écosystèmes et de la biodiversité, qui ne comprend pas de protection des peuples indigènes […] Un traité qui ne comprend pas les enjeux actuels et qui, selon les études d’impacts, va aggraver la production de biens et de services qui contribuent à la déforestation” a-t’-elle parfaitement résumé.
Aujourd’hui, Bolsonaro est parti, mais comme le démontre notre film, la situation au Brésil reste dramatique.
“La communauté internationale est victime d’un effet d’optique au Brésil car le président Lula est revenu et l’on perçoit son charisme mais on ne voit pas la réalité du terrain. S’il y a des courbes favorables avec des baisses de la déforestation de l’Amazonie, les destructions se sont déportées sur les autres écosystèmes. La situation ne s’est pas améliorée depuis l’arrivée de Lula, qui est attaqué de manière très agressive par le Congrès national que l’on a pas vu aussi hostile depuis la dictature militaire et qui désormais fait passer ses lois.” a souligné Gert-Peter Bruch
Une projection très réussie, de bonne augure pour le lancement de notre tournée
Après ces passionnantes interventions, l’événement s’est poursuivi par un beau moment d’échange avec le public. L’évènement a été une belle occasion de retrouver notre alliée Adélaïde Charlier, militante écologiste et cofondatrice de Youth for Climate, qui intervient également dans le film.
Les intervenants ont également échangé avec des membres de l’ONU, Sandrine Dixson-Declève (présidente du Club de Rome), Vinz Kanté (animateur radio et influenceur), Joël Gréa (vulgarisateur scientifique), des représentants d’associations tels qu’Espírito Mundo et l’Association Jiboiana, parmi d’autres.
Tous se sont montrés très enthousiastes à l’idée d’un nouvel évènement à Bruxelles dans un futur proche. À suivre…
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Article rédigé par Quentin Moreau pour Planète Amazone