Un dossier publié le 12 avril dernier par la coalition Forests & Finance, le Forum indonésien pour l’environnement et le Mouvement pour la souveraineté populaire dans le secteur minier du Brésil, accuse les banques de nombreux pays de financer l’activité minière impliquée dans la déforestation des trois principaux bassins forestiers tropicaux du monde, l’Amazonie, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique de l’Ouest.
L’implication des institutions financières dans les activités de l’industrie minière
Suite à la révélation en février dernier du rapport ‘Complicity in Destruction IV’ par l’Association des peuples autochtones du Brésil (APIB) et Amazon Watch, associant les sociétés minières et la violation des droits des communautés indigènes, cette étude met à nouveau au premier plan la complicité des banques dans la déforestation. Depuis l’année 2016, des investisseurs comme Citigroup (États-Unis), la BNP Parisbas (France), SMBC Group (Japon) et Standard Charted (Royaume-Uni), auraient fourni des crédits d’un montant de près de 36 milliards d’euros à 24 compagnies minières du monde entier. Ils détiendraient des actions et obligations de ces industries à hauteur de 58 milliards de dollars, dont 55 % servent à financer des activités en Amérique latine. Malgré l’Accord de Paris sur le climat adopté en 2015, les banques et les sociétés de gestion d’actifs n’ont jamais cessé d’investir dans les entreprises accusées d’être responsables de la dégradation de l’environnement. Merel van der Mark, coordinatrice de la Forests & Finance Coalition, déplore le peu d’avancées dans la lutte contre ce capitalisme sans limites :
« Nous publions cet ensemble de données dans le but d’améliorer la transparence des institutions financières qui soutiennent les sociétés minières pouvant avoir des effets négatifs en matière sociale et environnementale. Cet outil doit permettre à la société civile de demander des comptes aux créanciers et aux investisseurs concernant les conséquences des activités qu’ils financent. »
Parmi les sociétés minières établies en Amazonie, la multinationale Vale, en partie financée par la Japan Bank for International Cooperation, est particulièrement visée. Responsable de nombreux conflits avec les peuples indigènes du Brésil, elle a été impliquée dans les ruptures des barrages de Mariana en 2015 et de Brumadinho en 2019, qui ont fait des centaines de victimes et contaminé le fleuve Rio Doce. Outre le domaine minier, la lutte contre la déforestation illégale vise les compagnies impliquées dans la chaîne de fabrication de produits de base (bœuf et soja) comme JBS, Marfrig et Minerva, qui ont reçu plus d’1,5 milliards d’euros en investissements des banques européennes. Aujourd’hui, plus de deux tiers des forêts tropicales déboisées pour faire place à des cultures sont convertis illégalement en Amazonie, et les banques ne semblent pas effectuer de contrôles appropriés des industries qu’elles financent.
Le rapport présenté ce mois-ci accuse ainsi les soutiens financiers d’être indirectement liés à la dégradation inquiétante de la biodiversité et implore les gouvernements du monde entier de prendre des mesures adaptées à l’urgence de la situation. Charle Trocate, membre du conseil national du Mouvement pour la souveraineté populaire dans le secteur minier du Brésil y affirme :
« Une compilation de données de cette ampleur ne fait que renforcer la raison d’être de la lutte que nous menons chaque jour. La société doit savoir qui se cache derrière l’assaut des capitaux miniers dans notre pays. Il est absolument indispensable qu’elle puisse consulter les données relatives à l’investissement pour comprendre qui finance l’activité minière, la rend incontrôlable et génère une dépendance vis-à-vis des minerais. C’est une économie qui dénature le territoire et détruit des économies régionales en corrompant les membres du Parlement brésilien et en provoquant une crise climatique et environnementale. Le contexte actuel s’apparente à un chaos orchestré par l’industrie minière qui favorise les actionnaires et a des effets néfastes sur la nature. »
Le rôle des banques françaises dans la destruction des forêts tropicales
Les États-Unis, le Japon, la Chine et le Canada figurent parmi les principales sources d’investissement des sociétés minières, mais les banques françaises, comme la BNP, la Société Générale ou le Crédit Agricole, ont également été accusées à de nombreuses reprises de financer des projets sur les terres indigènes amazoniennes. La dernière se classerait même, selon le rapport publié en février dernier par l’APIB et Amazon Watch, à la première place des bailleurs de fonds des sociétés minières préparant des projets d’exploration sur les territoires indigènes, pourtant interdits par la Constitution brésilienne.
Trois ans après l’adoption par la France de la loi historique sur le droit de vigilance, exigeant des entreprises françaises qu’elles atténuent les violations des droits humains et les dommages environnementaux causés par leurs opérations, peu de choses semblent avoir évoluées. La BNP Paris a annoncé en février 2021 vouloir renforcer sa politique visant à lutter contre la déforestation au Brésil, avec notamment l’exigence d’une traçabilité de la part des filières du bœuf et du soja d’ici l’année 2025. La banque a affirmé que tous ses clients en Amazonie “étaient certifiés ou engagés dans un processus de certification” mais pourra seulement les inciter, et non les contraindre, car “très peu d’entreprises sont concernées étant donné qu’un moratoire stipulant l’arrêt de la déforestation liée au soja après 2008 existe déjà et est en majorité respecté.”
Alors que les banques françaises, comme le Crédit Agricole ou la Société Générale, refusent de prendre des mesures pour mettre un terme à leur complicité dans la déforestation, d’autres, comme la BNP Parisbas, semblent vouloir redorer leur image écologique. Mais leurs efforts paraissent, selon le rapport révélé ce mois-ci, bien trop timides face à l’urgence de la situation. Il est prouvé que l’industrie minière et agricole ont des incidences socio-environnementales majeures, apportant catastrophes naturelles et violations des droits humains dans leur sillage, et la destruction d’écosystèmes uniques pourrait ainsi renforcer les pires scénarios climatiques dans les années à venir.
Sources:
VivA frik: “Les sociétés minières potentiellement impliquées dans la déforestation et des violations des droits humains financées par les banques”
Le Monde: “Une ONG dénonce le financement par le Crédit Agricole et d’autres banques de projets miniers sur les terres indigènes amazoniennes”
Global Witness: “Les dividendes de la déforestation”
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Article rédigé par Anthony Cicion