Équateur : Une décision juridique historique contre l’exploitation minière !


Planète Amazone salue la décision de la Cour constitutionnelle de l’Équateur. L’ONG française, fondée par Gert-Peter Bruch en 2012, se bat depuis plusieurs années pour la protection et contre l’accaparement des territoires indigènes en Amazonie. Bien qu’en 2008 l’Équateur ait adopté une nouvelle Constitution où la Nature fut reconnue comme sujet de droit. Les exploitations minières et pétrolières n’ont pas pour autant disparu du territoire équatorien. Ces activités participent au défrichement de la forêt amazonienne, détruisent des écosystèmes précieux et impactent par conséquent les populations locales et indigènes de nombreuses régions du pays.

Le vendredi 4 février 2022, la Cour constitutionnelle de l’Équateur a statué en faveur du droit des peuples indigènes de décider de l’avenir de leurs terres. Cette affaire, connue sous le nom de « Sinangoe », en référence au peuple Cofán de Sinangoe originaire de Napo (province de Sucumbíos, au nord-est de l’Équateur), a été lancée après une plainte en 2018, suite à la présence de concessions minières venues s’installer sur les territoires ancestraux de ce peuple sans l’avoir préalablement consulté. C’est le début d’un long combat. Après quatre ans de bataille judiciaire, aujourd’hui, les Cofán de Sinangoe ont désormais le pouvoir de décider eux-mêmes de l’avenir de leurs territoires et de refuser ces projets qui détruisent leurs terres.


Nos territoires, notre décision” c’est désormais acté pour les Sinangoe grâce au verdict rendu le 4 février 2022, par la Cour constitutionnelle de l’Équateur. © Amazon Frontlines.

Les Sinangoe ont fait preuve de résistance pendant plusieurs années face aux activités minières illégales sur leurs terres. Ils ont mis en place des processus de surveillance afin d’empêcher l’installation de concessions minières. Représentant une menace à grande échelle pour cette zone préservée d’Amazonie, ces activités illégales ont entraîné de nombreux dégâts écologiques et sociaux. Cette condamnation, vivement attendue par les Cofán de Sinangoe et ceux qui les ont soutenus dans ce combat, représente un véritable soulagement. Ils vont désormais pouvoir faire face aux projets écocidaires encouragés par le président équatorien, Guillermo Lasso, qui vise à intensifier l’exploitation minière à travers l’Amazonie. 

 

La victoire des Cofán de Sinangoe marque l’histoire de l’Équateur !

 

C’est avec fierté que Nixon Andy, membre de la communauté de Sinangoe,  déclare au média national Expreso : “Aujourd’hui, nous avons remporté une victoire de plus, une décision favorable.” 

Si leurs droits sont pourtant initialement garantis par la Convention 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, adoptée en 1989 et ratifiée par l’Équateur en 1998, la violation de ces derniers dans cette affaire ne fait aucun doute, comme le souligne la Cour constitutionnelle dans sa décision. Essentiels au maintien du biome amazonien, cette victoire historique vient confirmer que les peuples indigènes sont les meilleurs gardiens de nos écosystèmes. Rappelons que 70% de l’Amazonie équatorienne sont des territoires indigènes.

 

Membre du peuple Cofán de Sinangoe. © Agencia de Noticias ANDES.

L’ONG Amazon Frontlines qui, depuis le début soutient les Sinangoe, affirme : “La décision garantit le droit des peuples autochtones à décider de leur territoire et ainsi protéger 9 300 hectares de jungles, forêts et autres écosystèmes essentiels pour maintenir l’équilibre climatique de la planète.” Autrement dit, le droit au consentement libre, préalable et éclairé des communautés indigènes est à présent un processus obligatoire. À ce titre, ils pourront contester l’installation de tout projet sur leurs territoires présentant une menace pour eux. 

 

Le message de Wider Waramag, chef de la communauté A’i Cofán de Sinangoe relayé par Amazon Frontlines:

“Cette condamnation est très importante pour notre communauté et d’autres qui ont des problèmes similaires, après un long chemin de lutte, de résistance, nous attendions avec impatience le résultat favorable de la Cour. Pour nous, Sinangoe, c’est une grande victoire d’obtenir un instrument de garantie légale des droits et constituer un précédent historique dans la réalisation du droit au consentement préalable, libre et éclairé sur le territoire national. Nous exigeons en tant que milléniaux, ancestraux dans nos territoires, que nos droits constitutionnels soient respectés, garantis et réalisés.”

Véritables menaces pour la faune et la flore, ces installations minières ont affecté plusieurs cours d’eau, notamment les rivières d’Aguarico, de Cofanes et de Chingual. De nombreux problèmes d’érosion et de pollution ont été constatés et la pêche, activité locale, est devenue nocive pour les populations. De nombreux poissons ont disparu et les Cofán de Sinangoe ont dû apprendre à vivre différemment. 

 

Rigoberta Menchú prend connaissance de l’ampleur des dégâts causés par Texaco, plusieurs années auparavant. © Cancillería del Ecuador. 

Néanmoins, cette décision va changer le cours des choses. Grâce à ce verdict formellement contre les activités extractivistes, les concessions minières sont désormais à l’arrêt. C’est en harmonie et en paix avec la nature que les Sinangoe peuvent penser leur avenir. Le gouvernement équatorien devra dorénavant se plier au règlement et obtenir le consentement des communautés indigènes afin de développer tout nouveau projet d’exploitation pétrolière. Soulignons tout de même qu’en juillet 2021, Guillermo Lasso publiait un décret pour “tenter de doubler la production pétrolière du pays”, une action vivement dénoncée et qualifiée d’inconstitutionnelle par les ONG et les défenseurs de l’environnement et des droits indigènes. 

 

Une décision de justice qui découle d’une affaire qui remonte à 2018 

 

En juillet 2018, le juge du Canton Gonzalo-Pizarro avait déjà tranché en faveur de la communauté Cofán de Sinangoe, dans l’affaire qui les opposait aux ministères des Mines et l’Agence de l’Environnement et de la Réglementation et du Contrôle Miniers (ARCOM) et au Secrétariat de l’Eau (SENAGUA). Le Ministère de l’environnement avait jugé que les concessions minières étaient illégales puisque ces dernières n’avaient ni de licence, ni consulté préalablement les communautés de la région. Alors que le juge ordonnait la suspension immédiate de ces concessions, cette condamnation fut immédiatement portée en appel par les autorités. 

 

Dégâts causés par une fuite importante de pétrole. © Cancillería del Ecuador. 

« En vertu de tout ce qui précède, cette Cour démontre que les activités minières qui se déroulent sur le territoire de la communauté Cofán de Sinangoe et ses environs ont un impact direct sur leurs us et coutumes, qui se traduit par des effets sur la préservation de leur droit, à l’identité culturelle, à l’autodétermination, à un environnement sain, à la santé, ainsi qu’aux effets possibles sur les droits de la nature. Par conséquent, dans le cas présent, lorsqu’il est devenu clair que les activités extractives ont des conséquences sur les droits et les intérêts de la communauté, leur participation était nécessaire et obligatoire à travers un processus de consultation préalable qui contient chacune des normes citées dans les paragraphes précédents. Ne pas avoir donné leur droit à la consultation préalable prévue à l’article 57.7 de la Constitution a été violé en ayant accordé 20 concessions minières et en en traitant 32 autres autour des fleuves Chingual et Cofanes ».

 

Les communautés indigènes d’Équateur unies pour faire entendre leurs droits 

 

En janvier, plusieurs communautés indigènes du pays se sont rendues sur place pour remettre à la Cour “les 365 515 signatures de soutien recueillies dans le monde entier.” Cette collecte de signatures a été organisée à l’initiative des campagnes “Quienes deben decidir” , “Wao Resistencia” et “Stand With Sinangoe”, soutenues à l’international.

 

Manifestation devant la Cour constitutionnelle le 18 janvier 2022. © Amazon Frontlines.

Cette décision intervient dans un contexte crucial où l’industrie minière est vigoureusement  défendue  par le gouvernement de Guillermo Lasso. L’Équateur est “un pays avec une longue histoire de violations de ces droits dans le cadre des industries extractives et d’impunité pour celles-ci” affirme l’ONG Amazon Frontlines. Cette victoire doit servir d’exemple pour les décisions de justice à venir dans la reconnaissance des droits d’autres peuples de l’Équateur et d’ailleurs dans le monde.

 

La lettre adressée à la Cour constitutionnelle de l’Équateur

 

L’ONG Amazon Frontlines a partagé sur son site internet la lettre que les communautés indigènes ont adressé à la Cour constitutionnelle de Quito (Équateur). Planète Amazone reproduit fidèlement la lettre pour vous.

 

Lettre à la Cour constitutionnelle d’Équateur : “Qui devrait décider de l’avenir de l’Amazonie ?”

« Nous voulons dire clairement les choses pour que vous compreniez notre message. Parce qu’il est important. Nos vies, les nôtres et les vôtres, en dépendent.

Alors que l’urgence climatique mondiale menace l’avenir de l’humanité, le président de droite de la République d’Équateur, Guillermo Lasso, vient de signer deux décrets permettant de doubler la production de pétrole en l’espace d’un an (un demi-million de barils supplémentaires par jour !) et de développer rapidement les exploitations minières. Où pensez-vous qu’il va trouver ce pétrole et cet or ? Il n’y a qu’un seul moyen pour doubler la production : exploiter nos territoires ancestraux en Amazonie.

La forêt tropicale amazonienne est notre maison, et cette maison nous maintient tous en vie ! Elle nous protège tous du chaos climatique. Elle nous fournit de l’oxygène pour respirer. Elle nous fournit de l’eau douce. Elle nous fournit à tous des médicaments. Et pourtant, votre monde la détruit.

Les compagnies pétrolières polluent. Les mineurs creusent. Les bûcherons coupent. Les éleveurs brûlent. Tout ce temps, le gouvernement a été complice de ces activités, et maintenant il veut aller deux fois plus loin, deux fois plus vite. Si la destruction ne cesse pas, cette forêt disparaîtra. Et alors nous aurons perdu notre maison et notre source de vie, et le monde réalisera ce que la perte de l’Amazonie signifie vraiment.

Le temps presse. Mais nous savons qu’il existe une autre façon de faire.

Nous vous demandons une chose très simple : nous vous demandons de nous écouter, de nous respecter et de reconnaître que nous, les peuples indigènes, avons le droit de décider ce qu’il advient de notre maison. Personne ne connaît ces forêts mieux que nous, personne n’est parvenu à les protéger correctement aussi longtemps. Le droit international nous permet de dire « NON » aux compagnies pétrolières et aux exploitations minières. Nous avons le droit d’avoir l’assurance que notre décision est définitive. Nous avons le droit de protéger notre maison des intrusions et de la destruction.

Nous avons pris notre décision ; nous devons défendre notre maison, l’Amazonie. Protégerez-vous notre droit de décider ?

Je soutiens les Waorani, les Kofan et le mouvement indigène d’Équateur, et je relaie leur message auprès de la cour. »

©️ Traduit par Eliora Benarroche, Planète Amazone, à partir de l’original sur Amazon Frontlines.


Par Béatrice Fidalgo.



Mis a jour le 2024-03-23 14:49:41

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