Référence historique de la lutte contre le barrage de Belo Monte sur le fleuve Xingu, première cheffe féminine de son peuple Mebêngôkre (ou Kayapo), l’emblématique Tuira (aussi appelée Tuire) est décédée samedi matin 10 août 2024, à l’hôpital de Redenção, dans l’Etat du Pará, après une longue bataille contre le cancer.
Tuira était reconnue et admirée dans le monde entier depuis qu’elle l’avait stupéfait par son audace lors d’une assemblée à Altamira en février 1989, censée entériner la construction de la première mouture du barrage de Belo Monte (alors nommé “Kararao”). Âgée à peine de 19 ans, elle s’était avancée, devant plusieurs milliers de personnes et des caméras du monde entier, vers le maître d’œuvre du futur chantier, le président d’Electronorte, José Antônio Muniz Lopes, et lui avait longuement “caressé” les joues avec la lame de sa machette pour le mettre en garde ! L’image reste iconique aujourd’hui encore.
La Cacique Tuira Kayapo a alors déclaré ce jour de février 1989 au constructeur du projet de barrage Kararao/Belo Monte :
“L’homme blanc n’a pas de forêt et cette terre n’est pas la sienne. Vous êtes né en ville, puis vous êtes venu ici pour attaquer notre forêt et nos rivières. Tu ne le feras pas !”
Le prestige que lui valut cet acte mémorable, qui contribua à l’effondrement du projet Kararao, lui permis de faire valoir le rôle essentiel des femmes dans la lutte indigène et en particulier au sein de son peuple. Avec son cousin, le chef Paiakan, elle n’eut de cesse de défendre son territoire et sa culture, à une époque où seuls les hommes étaient les dirigeants,, jusqu’à s’imposer en tant que première cheffe femme du peuple Kayapo. Une révolution ! Au niveau national, Tuira Mebêngôkre Kayapo a permis l’émergence de figures politiques féminines comme celle de la ministre actuelle des peuples autochtones, Sônia Guajajara dont elle a accompagné l’investiture d’un chant guerrier.
Planète Amazone a toujours eu un immense respect pour cette pionnière. Gert-Peter Bruch, notre fondateur, raconte : “j’ai rencontré la cacique Tuira en octobre 2013 à Brasilia, lors d’un immense rassemblement marquant les 25 ans de la Constitution du Brésil, validant pour la première fois le droit des indigènes à rester sur leurs terres et en obtenir la complète démarcation. C’était comme être projeté dans l’Histoire, cette guerrière avait une aura saisissante qui imposait le respect. Ses chants stridents vous remuaient l’âme. Celui qu’elle a entamé en brandissant la Constitution à bout de bras est devenu une des images fortes de notre film “Terra Libre”. Nous sommes devenus amis et nous sommes beaucoup revus par la suite”.
Article rédigé par Laetitia Forestier