COP15 de Montréal : Planète Amazone et Stop Ecocide face à un accord à minima


Planète Amazone a participé à la COP15 ou 15e édition de la « Conférence des Parties » (COP) sur la biodiversité, qui s’est achevée lundi 15 décembre 2022. Plus de 190 États ont signé à Montréal un accord qualifié par les observateurs d’historique. Pour calmer les ardeurs, il suffit pourtant de noter que l’accord n’est d’une part pas contraignant et que de l’autre son objectif de préservation de 30 % des espaces naturels de la planète est bien en deçà des demandes les plus raisonnables du monde scientifique. Retour sur notre participation à un sommet qui – une fois de plus – fait l’effet d’un pétard mouillé.


Gert-Peter Bruch, fondateur de Planète Amazone, à la COP15 de Montréal © Planète Amazone | Gert-Peter Bruch

C’était la première fois que Planète Amazone participait à une COP biodiversité. Celle-ci fut désertée par une grande partie des représentants indigènes présents à la COP 27 climat en Egypte, un mois plus tôt. Gert-Peter Bruch, fondateur de l’association, a cependant collaboré avec une partie de ceux qui avaient pu faire le déplacement.

Notre statut d’observateur ne nous ayant pas permis de participer directement aux négociations, on retiendra surtout de ce sommet la poursuite de notre forte et inspirante collaboration avec la Fondation Stop Ecocide International. Invité par la Wild Foundation, Gert-Peter Bruch a également pu retrouver la princesse Esmeralda de Belgique pour une présentation commune d’un long extrait de leur prochain film, ‘Amazonia, the heart of Mother Earth’ (‘Amazonie, cœur de la Terre Mère’), que vous pourrez découvrir en avril 2023.

 

Présentation spéciale de notre prochain film pour les étudiants de l’université UQAM

C’est donc dans le pôle science de la fameuse université québecoise le 15 décembre que nous avons eu l’occasion de dévoiler un large extrait de notre film à venir : “Amazonie, cœur de la Terre mère”, co-réalisé par la Princesse Esmeralda de Belgique, qui partage notre combat depuis de nombreuses années. La projection, applaudie, a donné lieu à des débats enrichissants. 

Gisèle Kayembe, Gert-Peter Bruch, Esmeralda de Belgique, Thomas Joseph, Jojo Mehta et Archana Soreng
lors de la projection du film “Amazonie,
Cœur de la  Terre-mère durant la COP15 de Montréal.
© Planète Amazone 

 

Reconnaissance de l’écocide et démarcation des Terres : deux combats voisins

La démarcation des Terres indigènes, c’est un peu comme l’histoire de l’écocide. Ce n’est pas l’aboutissement, mais un préalable à la construction de mesures à grandes échelles pour l’Amazonie.” – Gert-Peter Bruch, fondateur et président de Planète Amazone, lors d’un événement parallèle avec la fondation Stop Écocide International.  

La démarcation des Terres indigènes et la reconnaissance de l’écocide sont deux combats voisins que Planète Amazone s’efforce de faire converger. Aussi, nous avons eu le plaisir de partager 3 événements avec la fondation Stop Écocide, qui milite depuis 2019 pour la reconnaissance du crime d’écocide.

Retrouvez le détail de notre participation dans cet article. 

Gert-Peter BRUCH, président de Planète Amazone, participant à un événement de Stop Écocide à la COP15 de Montréal en décembre 2022 – © Stope Ecocide

L’accord final peut-il vraiment sauver la biodiversité  ?

Après d’âpres négociations, le texte adopté définit 4 objectifs et 23 cibles pour guider le travail collectif des États pour les 10 années à venir. Cet accord, dit de “Kunming-Montréal”, vise trois principaux chantiers pour sauver la biodiversité : la protection d’aires terrestres, d’eau douce et de l’océan, la restauration d’écosystèmes dégradés et la transformation de secteurs destructeurs de la biodiversité. Ces mesures ont pour objectif de préserver 30% de la planète. 

Parmi les promesses à retenir : 

  • Fournir un cadre de suivi plus clair et mieux structuré avec des objectifs chiffrés ;
  • Financer la protection et la restauration de la biodiversité;
  • Mesurer les progrès réalisés par les États;
  • Considérer les peuples indigènes;
  • Reconnaître les droits de la Nature.

 

Kunning-Montréal : premier accord international à reconnaître les droits de la nature

Si l’on ne devait retenir qu’une véritable avancée, ce serait celle-ci. Les articles 9, 10 et 11 de l’accord de Kunming-Montréal ont inscrit la Terre mère et la nature comme sujets de droit. Ils reconnaissent aussi la “diversité de conception du rapport à la nature des peuples indigènes” ainsi que le “rôle vital” de la nature et de son équilibre pour la survie de l’humanité. 

L’inclusion des droits de la nature et de la Terre mère dans le pacte final de la COP15 est un point de départ pour la reconnaissance des peuples autochtones et de leurs représentations. La prochaine étape sera d’observer comment ces droits seront appliqués. 

Malgré certaines avancées, un accord jugé insuffisant

Jamais, sur le papier, un accord de la COP sur la biodiversité n’a été aussi ambitieux. Pour autant, il n’est ni contraignant, ni en phase avec l’urgence de la situation. Le texte final n’a pas manqué de susciter des réactions de la part de nombreuses ONG, dont  Greenpeace, Les Amis de Terre, Avaaz ou encore Bloom auxquelles nous nous joignons. Cet accord est pour certaines passé à côté des problématiques profondes qui affectent la biodiversité tandis que d’autres dénoncent un manque d’ambition et l’absence de véritables outils de régulation pour contrôler les activités destructrices des grandes entreprises.

D’autres encore y voient même un accord d’ “enfumage”, qui ne remplit qu’une fonction politique de communication politique auprès du grand public.  Et toutes sont d’accord sur le fait que le texte, qui ne présente pas de sanctions en cas d’activités nuisibles sur les zones à protéger d’ici 2030, ne pourra vraisemblablement pas enrayer l’extinction massive de la biodiversité. Après 30 ans de sommets internationaux, l’expérience nous prouve que les accords de principe sont vains. Seuls les accords contraignants sont efficaces. 

 

Protéger seulement 30% de la biodiversité : un objectif absurde ? 

L’objectif de protéger 30% de la biodiversité est salué par beaucoup, y compris plusieurs ONG. Or, cet objectif est absurde à plusieurs égards. D’abord, parce que selon un consensus d’ONG et de scientifiques, il faudrait protéger au minimum 50 % de la biodiversité restante sur Terre pour éviter un effondrement de masse. On estime en effet qu’en dessous de ce pourcentage, la biodiversité ne pourrait assurer sa régulation naturelle. 

Ensuite, parce que les territoires indigènes correspondent, à eux seuls, à environ 34% de la biodiversité terrestre. Ainsi, il suffirait de les reconnaître pour atteindre et dépasser l’objectif visé. Délimiter les terres indigènes est une affaire internationale et le début d’un nouveau paradigme, préalable indispensable au développement de vraies politiques de protection de la biodiversité. Si l’on restitue les territoires énormes que l’on a volés aux peuples indigènes, on pourra alors commencer un vrai travail de restauration de la biodiversité. Et un passage à l’action sera enfin possible grâce au travail  avec les gouvernements locaux et la société civile : citoyens, indigènes, scientifiques…

 


Sources :

Libération : “Accord de la COP15 : la France et l’UE s’auto-congratulent, les ONG mitigées” 

Le Monde :COP15 : au-delà des promesses, le combat n’est pas gagné sur la biodiversité«

RCI – Radio Canada :Les droits de la Terre-Mère dans l’accord final de la COP15 sont “historiques[Trad. ES]

Mediapart: “Biodiversité : à la COP15, un accord historique mais tout reste à faire

 

A lire aussi sur Planète Amazone : 

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Écrit par Laetitia Forestier et Eléonore Di Maria pour Planète Amazone



Mis a jour le 2024-03-23 14:49:41

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