Une nouvelle enquête menée par l’ONG Britannique Earthsight et par l’observatoire De Olho nos Ruralistas, est parvenue à prouver que des chaînes de supermarchés (Sainsbury’s, Aldi, Iceland), des établissements de restauration rapide, dont le géant KFC, et des marques d’aliments pour animaux de compagnie, achetaient du poulet, nourri au soja provenant d’une ferme brésilienne où des indigènes avaient été expulsés de force dans les années cinquante.
De grandes entreprises européennes voient leurs noms souillés par des violences contre les peuples indigènes
Le mercredi 11 mai 2022 l’observatoire De Olho nos Ruralistas, en partenariat avec l’ONG Earthsight, a divulgué un rapport intitulé “ Sang indigène, la vérité dérangeante derrière le poulet exporté vers l’Europe”. Celui-ci retrace le lien entre des entreprises agroalimentaires européennes et l’exploitation agricole Brasília do Sul, un important producteur de soja. Ce dernier est le fournisseur principal de grandes coopératives, dont Lar Cooperativa Agroindustrial (LCA), l’un des plus importants producteurs et exportateurs de volaille du Brésil.
Plusieurs entreprises, telles que l’entreprise anglaise Westbridge Foods, ont été identifiées comme les principaux acheteurs de poulet congelé et mariné conditionnés par LCA, l’un des nombreux fournisseurs des restaurants de fast-food KFC et des supermarchés britanniques Sainsbury’s, Asda, Aldi et Iceland, entre autres. Entre 2018 et 2021, cette entreprise agroalimentaire basée au Royaume-Uni, aurait en effet importé plus de 37 000 tonnes de poulet auprès de LCA.
Le rapport montre aussi que l’entreprise allemande Paulsen Food, basée à Hambourg et spécialisée dans la vente d’aliments pour animaux domestiques, aurait acheté 14 000 tonnes de poulet à LCA entre 2017 et 2021.
La lutte acharnée du peuple Guarani-Kaiowá pour la revendication de ses terres ancestrales
Brasilia do Sul est un territoire où de nombreuses violations des droits des peuples indigènes ont été commises. La ferme Brasilia do Sul, construite sur des terres d’une surface de 9700 hectares, est devenue synonyme de violations des droits indigènes dans l’État brésilien du Mato Grosso do Sul. Ce territoire, anciennement connu sous le nom de Takuara, abritait en effet le groupe indigène Guarani-Kaiowá, jusqu’à ce qu’ils soient expulsés de force dans les années 1950 pour ouvrir la voie au développement agricole. La consolidation de l’exploitation de ces terres s’est notamment faite en 1966, avec le rachat de la famille Jacintho, qui est devenue l’une des familles les plus influentes de l’agrobusiness au Brésil.
Depuis lors, les tentatives du peuple Guarani-Kaiowá, le deuxième plus grand groupe indigène du Brésil, de retrouver l’accès à leurs terres ancestrales ont été « brutalement réprimées » par les autorités et les propriétaires. La Commission nationale pour la vérité du Brésil a qualifié le déplacement forcé et l’enfermement des communautés autochtones dans l’État de “graves violations des droits de l’homme”.
En 2003, alors que les indigènes luttaient pour reconquérir leurs terres, la violence a culminé avec le meurtre de leur chef, Marcos Veron, qui a été battu à mort lorsque des hommes armés ont attaqué un campement que le groupe d’indigènes avait installé sur le territoire contesté. Cependant, alors que trois personnes avaient été condamnées pour l’attaque, personne ne l’a jamais été pour son meurtre.
Plus récemment, en 2019, les terres de l’entreprise Coamo, une autre grande coopérative brésilienne, a été le théâtre d’un massacre contre la communauté Kaiowá, perpétré par un groupe de 70 hommes armés engagés par des agriculteurs locaux. Connu sous le nom de Massacre de Caarapó, il a entraîné la mort de Clodiode Aquileu Rodrigues de Souza, agent de santé indigène et avait laissé six personnes blessées, dont un enfant.
Enfin, le rapport indique que les Guarani-Kaiowá ne peuvent toujours pas accéder à leurs terres et à leurs moyens de subsistance traditionnels. Les auteurs du rapport déclarent : “bien que la constitution brésilienne soit censée protéger les droits territoriaux des peuples autochtones, les gouvernements successifs et un système judiciaire qui favorise les puissants propriétaires terriens ont systématiquement ignoré leurs revendications”. L’État du Mato Grosso do Sul détient, à lui seul, le triste record du plus grand nombre de meurtres d’indigènes au Brésil.
La lutte du peuple Guarani-Kaiowá est aujourd’hui portée par leur porte-parole, Valdelice Veron, fille de Marcos Veron et cheffe du peuple Guarani-Kaiowá, qui s’est de nombreuses fois exprimée devant la communauté internationale afin d’alerter sur les violences faites contre son peuple, comme par exemple en 2015 lors du Sommet des consciences sur le climat.
Selon la porte-parole de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, Delara Burkhardt : “l’accaparement des terres et les violations des droits de propriété, en particulier des peuples autochtones, sont des pratiques courantes pour obtenir des terres pour la production agricole et également pour les marchés européens». Ce rapport illustre donc l’urgence de mettre en place une nouvelle réglementation forte au niveau européen, pour lutter contre la déforestation importée.
Article rédigé par Maud Laurent et Sarah Price
Sources principales
De Olho Nos Ruralistas : “De Olho nos Ruralistas e Earthsight lançam relatório sobre violências contra Guarani Kaiowá no MS”
Mongabay : “New investigation links chicken supply chains in Europe to Indigenous rights abuses in Brazil”
Le Monde : “Valdelice Veron, la porte-parole des Guarani-Kaiowa accuse le Brésil d’écocide”
The Independant : “KFC and UK supermarkets’ chicken ‘hide indigenous rights abuses in Brazil”
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