*Article modifié le 1er mai 2022
Les menaces qui pèsent sur la communauté des Guarani-Kaïowás depuis ce lundi 18 avril sont extrêmement graves : un avis d’expulsion leur donne dix jours pour quitter la terre de Mboveriry. L’usage de la force a été autorisé, ce qui laisse supposer qu’un massacre est sur le point d’arriver. Ce territoire, considéré comme traditionnel et sacré par les peuples indigènes, a pour vocation d’être réduit à néant par le groupe industriel.
Un usage de la force autorisé et privilégié
La décision de la Cour fédérale de Naviraí/MS est d’autant plus préoccupante qu’elle détermine que la reprise de possession contre les indigènes “ne viole pas” les décisions de la Cour suprême fédérale (STF) qui a suspendu en 2020 les expulsions contre les communautés indigènes pendant la pandémie. La Cour fédérale de Naviraí fait ainsi affront à la décision de la Cour suprême fédérale. Autre élément extrêmement inquiétant : la Cour fédérale se dit “autorisée à faire usage de la force policière” et la police fédérale et militaire et la municipalité doivent être prévenues pour aider à la reprise de possession forcée, si nécessaire.
Les Guaranis et les Kaïowás craignent une expulsion violente de la communauté qui vit dans une situation de vulnérabilité. Même menacé d’expulsion, le groupe continue de se battre pour la démarcation du territoire et fera appel de la décision de la Cour fédérale.
“Avant même que les dix jours [pour l’expulsion] soient écoulés, ils ont déjà mis le feu dans la cuisine où nous préparons la nourriture pour les enfants. Avant même que les troupes de choc n’arrivent, les « pistoleiros », qui arrivent toujours en premiers, sont violents : massacres, violence physique, psychologique” s’inquiète Valdelice Veron.
Il est plus que jamais primordial de partager ce message de la porte-parole du peuple indigène Guarani-Kaïowá car il en va de la survie d’un groupe qui veille vaillamment sur le poumon de notre planète: “Nous demandons à ce que la société, le peuple, nous entendent”.
Un territoire traditionnel pour les Guarani-Kaïowas
La terre de Mboveriry, concernée par l’avis d’expulsion, est un territoire traditionnel du peuple Guarani-Kaïowá. Elle contient une zone de prière mais également un cimetière où sont enterrés des membres appartenant aux familles de la communauté. La tribu lutte ainsi perpétuellement pour l’héritage de ses ancêtres. Discriminée par les autorités brésiliennes et vulnérable face aux propriétaires terriens qui y installent leurs cultures intensives, elle a presque totalement abandonné ses activités traditionnelles (chasse, pêche, cueillette et agriculture vivrière) et dépendent dès lors de l’aide alimentaire distribuée aléatoirement par les pouvoirs publics.
“C’est une terre traditionnelle, dans laquelle il y a une histoire, une mémoire collective vivante, un lieu sacré pour les connaissances du peuple Guarani-Kaïowá” nous indique Valdelice Veron dans un échange avec Gert Peter-Bruch, président de Planète Amazone.
La terre Mboveriry (qui signifie “terre sacrée des fourmiliers”), était aussi un sanctuaire pour de nombreux fourmiliers, mais « l’agro-industrie, le commerce, les a presque tous exterminés, il y en a très peu désormais » nous a confié la représentante des Guarani-Kaïowás. Selon elle, cette décision d’expulsion est dangereuse pour les 37 familles indigènes qui y habitent mais également pour la biodiversité : la forêt, la rivière et les êtres vivants sont tous menacés de destruction.
Profondément affaiblis après avoir perdu plus de 90% de leur territoire en un siècle, les indigènes ont repris possession de ces terres à la fin de l’année 2021, en se basant sur la mémoire et les propos rapportés par leurs aînés, qui rappellent que la zone a toujours été fréquentée et utilisée par les Guarani-Kaïowás de la région. L’État du Mato Grosso do Sul restent néanmoins le plus productif du Brésil en termes d’élevage et de culture de biocarburants, et les propriétaires terriens qui sont à l’origine des expulsions forcées continuent aujourd’hui de bénéficier d’une impunité totale de la part du gouvernement de Jair Bolsonaro.
Mis à jour le 1er mai 2022 : la décision suspendue
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Source :
CIMI, Após decisão judicial, indígenas Guarani e Kaiowá temem despejo violento em Naviraí (MS)
Article rédigé par Emmanuelle Palla en collaboration avec Anthony Cicion
Traduit par Anne-Sophie Fernandez.