Brésil : la construction d’une bioraffinerie d’huile de palme menace la biodiversité et les peuples indigènes de l’Amazonie


Planète Amazone dénonce la production de biocarburants à base d’huile de palme au Brésil, qui est loin d’être une solution durable et risque même de fragiliser davantage la biodiversité et les communautés indigènes de l’Amazonie brésilienne. En effet, la culture de cet oléagineux est particulièrement néfaste pour biodiversité des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est, d’Afrique, mais également d’Amérique du Sud. En 2020, les associations Canopée et Rainforest Foundation Norvège  avaient déjà alerté sur l’impact néfaste que la production de biocarburants avait sur la déforestation et la biodiversité. La production d’huile de palme continue pourtant de s’étendre dans plusieurs régions du monde, notamment au Brésil, où la construction potentielle d’une bioraffinerie à Manaus, menace à nouveau la biodiversité et les peuples indigènes, déjà grandement fragilisés par la déforestation.

Les compagnies Brasil Biofuels et Vibra Energia, qui forment ensemble le plus grand distributeur de biocarburants du Brésil, ont annoncé fin 2021 un projet de construire une bioraffinerie à Manaus, dans l’Etat d’Amazonas, afin de produire du biocarburant fabriqué à partir d’huile de palme cultivé au Brésil. Actuellement en phase d’étude, ce projet aurait pour conséquence d’augmenter la superficie de terres consacrée à la culture du palmier à huile.


Crédits photo : Achmad Rabin Taim / Flickr / CC BY-NC 2.0

Dans la ville de Manaus, située dans l’État brésilien d’Amazonas, la construction d’une raffinerie d’huile de palme est actuellement en phase d’étude. Ne bénéficiant pas à ce jour de licence environnementale ou de permis de construire, le début d’activité de la raffinerie serait prévu pour 2025 et celle-ci pourrait produire jusqu’à 500 millions de litres de biodiesel par an.

Pour atteindre ce volume de production, Brasil Biofuels prévoit de planter 120 000 hectares de palmier à huile d’ici 2026, dans des zones encore à définir. Ce qui augmenterait la superficie consacrée à la culture du palmier à huile au Brésil d’environ 60 %. Déjà utilisée dans la fabrication d’une variété de produits de consommation, la culture occuperait déjà une superficie de 201 000 hectares du pays, selon les données de l’Institut brésilien de géographie et des statistiques.

 

Les impacts néfastes de la culture du palmier à huile dans le monde

Produit à partir de graines de soja et/ou d’huile de palme, le biocarburant serait considéré comme étant moins polluant que les carburants à base d’énergie fossile et permettrait de réduire l’empreinte carbone sur le long terme. Cependant, de nombreuses études démontrent que l’empreinte carbone des biocarburants serait plus élevée que le diesel classique. En 2016, un rapport publié par l’ONG Transport et Environnement avait démontré qu’un litre de biodiesel issu du colza représentait 1,2 fois plus d’émissions qu’un litre de diesel classic ; celui de soja, deux fois plus d’émissions, et celui de l’huile de palme, trois fois plus.

Outre son impact sur le réchauffement climatique, l’avancée des plantations de palmiers à huile dans le monde a de graves conséquences sur les forêts tropicales et leur biodiversité. En tant que principal producteur d’huile de palme, l’Indonésie affiche aujourd’hui l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde. Les opérations de déforestation massive menées dans ce pays, afin d’assurer une production intensive d’huile de palme, provoque notamment la destruction de tout un écosystème et la disparition de centaines d’espèces, dont les orangs-outans.

Selon L’Union of Concerned Scientists, seules 15% des espèces animales qui habitent les forêts tropicales peuvent survivre aux plantations de palmiers à huile. Dans la forêt primaire d’Amazonie, il est facile de trouver plus de 300 espèces d’oiseaux, tandis que dans les champs de palmiers à huile, ce chiffre ne s’élève qu’à 20.

 

Une menace qui pèse sur la forêt tropicale et les communautés indigènes de l’Amazonie brésilienne

Malgré les déclarations de Milton Steagall, le président de BBF, qui assure que la raffinerie suivrait les standards de développement durable, des scientifiques et des protecteurs de l’environnement ont critiqué l’expansion des infrastructures pour la production d’huile de palme au cœur de la plus grande forêt tropicale au monde. Lucas Ferrante, chercheur à l’Institut National pour la Recherche Amazonienne, dénonce « le potentiel dévastateur de cette culture », déclarant que la production d’huile de palme au Brésil causerait une « énorme perte de biodiversité ».

La loi brésilienne stipule que le palmier à huile ne doit être cultivé que dans les zones déboisées avant 2007. Steagall assure que les cultures de palmiers à huile de BBF, respectent déjà ces normes durables et contribuent par ailleurs à la séquestration du carbone dans des zones précédemment dégradées. « Le palmier à huile n’occupe pas l’espace forestier. Nous parlons de zones qui ont été “anthropisées” avant 2007, et qui seraient difficiles de restaurer, car souvent elles sont déjà transformées en pâturages », a précisé Milton Steagall. “Nous prenons des zones dégradées et faisons une culture pérenne, qui n’est pas mécanisée, ne nécessite pas beaucoup d’engrais et produit pendant 35 ans.”

Par ailleurs, l’avancée de ce type de plantation au Brésil a un effet particulièrement néfaste au sein des communautés indigènes d’Amazonie, qui se traduit par une hausse de l’insécurité alimentaire, de l’expropriation de territoires ou encore des violences infligées aux peuples indigènes.

À Acará, dans l’État brésilien du Pará, des communautés Quilombolas ont revendiqué un territoire qui avait été exproprié par Agropalma, un producteur d’huile de palme. L’expansion des cultures de palmiers à huile sur ce territoire a commencé dans les années 1980, jusqu’à ce que les communautés revendiquent leurs droits territoriaux en 2015.

Malgré la décision de la Cour Fédérale de suspendre les activités de deux fermes d’Agropalma en 2018, l’entreprise continue d’occuper la zone, causant ainsi une intensification des tensions avec les communautés Quilombolas. Le groupe industriel restreint notamment l’accès à certaines parties de la forêt, empêchant les peuples indigènes d’accéder à la rivière, où ils ont l’habitude de pêcher, ou encore d’aller se recueillir sur les tombes où sont enterrés leurs ancêtres.

 


Sources principales

China Dialogue: “Amazon palm oil: sustainable fuel or deforestation driver?”

Geo: “Huile de palme: ses véritables conséquences sur l’environnement”

Le Monde: ‘Les biocarburants émettent plus de CO2 que l’essence et le diesel”

 

A lire aussi sur le site de Planète Amazone :

“Le soutien politique aux biocarburants est une contribution à l’écocide des forêts”

“Indonésie : Le leader mondial de la production d’huile de palme suspend ses exportations”

“Total va importer 300 000 tonnes d’huile de palme”

 


Article rédigé par Maud Laurent



Mis a jour le 2025-05-15 10:11:37

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