Juana Alonzo, femme d’origine Maya Chuj du Guatemala, a été incarcérée en détention préventive (mise en prison avant le jugement) au Mexique durant près de huit années pour ne pas s’exprimer en espagnol, qu’elle ne parle pas. Juana n’est pas un cas isolé puisqu’au Mexique, parmi les 68 langues autochtones recensées, 54 d’entre elles sont en voie de disparition. D’ailleurs, des chiffres de l’UNESCO énoncent qu’au sein des plus de sept-mille langues parlées dans le monde, environ six-mille-sept-cent sont des langues autochtones, dont trois-mille en cours d’extinction.
Les raisons selon lesquelles les langues autochtones sont en voie d’extinction sont multiples. Entre autres, se trouvent : la pauvreté, le difficile accès à l’éducation et au travail, les guerres, les catastrophes, les maladies, les répressions, le manque d’enseignement multiculturel et bilingue, les conflits sociopolitiques, le manque de reconnaissance des droits des personnes autochtones et le risque de discrimination et d’exclusion. C’est ce que dénonce Lucero Flores Nájera, chercheuse à l’Institut d’Anthropologie de l’Université de Veracruz : « De nombreuses langues ont disparu parce que leurs locuteurs ont été punis d’amendes, de coups de fouet, de prison, de ridicule, d’interdictions, etc. »
Cette disparition engendre de graves conséquences, comme l’explique Lucero Flores Nájera : « Chaque fois que disparaît une langue autochtone, l’humanité perd une manière de voir et de vivre le monde ». Miguel León-Portilla, historien mexicain et expert en littérature de la culture náhuatl, énonce que « la diversité des variantes linguistiques contribue à ouvrir de nouvelles voies à la pensée, à la communication et à la créativité humaines. Quand une langue meurt, l’humanité s’appauvrit. »
German Freire, spécialiste du développement social à la Banque Mondiale et auteur du rapport L’Amérique latine autochtone au XXIe siècle ajoute « avec les langues autochtones disparaissent inévitablement un ensemble de connaissances environnementales, technologiques, sociales, économiques ou culturelles, que leurs locuteurs ont accumulées et codifiées au fil des millénaires. »
Pour éviter leur extinction, en 2019 l’ONU a célébré l’Année Internationale des Langues Autochtones, afin de mettre en avant l’importance des langues et de leur protection. Face au problème majeur de la disparition des langues, l’ONU a voté une résolution proclamant la période 2022-2032 comme Décennie Internationale des Langues Autochtones. L’objectif de cette décennie est de faire prendre conscience aux populations de la gravité de la perte des langues des peuples originaires pour le monde entier et de la nécessité d’agir pour les protéger avec leur héritage.
Lucero Flores Nájera parle de la possibilité de réhabiliter ces langues ancestrales en apprenant l’histoire des peuples autochtones, en analysant et en réfléchissant sur ce que les langues représentent et en cherchant à les renforcer. German Freire ajoute qu’ « une éducation de qualité avec une pertinence culturelle aiderait non seulement à inverser la perte accélérée des langues autochtones dans la région, mais permettrait également un développement plus inclusif et résilient ».
A voir pour la suite si les mesures mises en place et les réflexions entreprises pour la préservation des langues autochtones permettent aux communautés de continuer à parler leurs langues et de les mettre en avant, comme l’illustre le film Roma d’Alphonse Cuaron où est parlé la langue mixteco, langue d’origine amérindienne.
Sources :
El Impartial : “Advierten sobre desaparición de lenguas indígenas
Banco Mundial : “Lenguas indígenas, un legado en extensión”
Naciones Unidas : “Arranca la década para salvar de la desaparición a las lenguas indígenas“
Gobierno de México : “Siempre florecerá la palabra, lenguas indigenas de Mexico contra su extinción“
Unesco : “Una década para evitar la desaparición de 3 mil lenguas”
El País : “Lenguas indígenas, un legado en extinción”
Universo : Aumenta la desaparición de lenguas indígenas: Lucero Flores
À lire aussi sur le site de Planète Amazone :
Chili : La dernière locutrice de la langue autochtone Yagan est décédée
Article rédigé par Ophélie Poulet