Le yagan est une langue amérindienne qui était parlée par le peuple du même nom, vivant dans les régions glacées de l’extrême sud du Chili. Ces navigateurs aguerris formaient un peuple nomade, considéré comme la population la plus australe du globe, pour avoir occupé , il y a plus de 6 000 ans, le cap Horn et la Grande île de la Terre de feu, à la pointe sud de l’Amérique.
Les Yagans étaient environ 3 500 individus avant l’arrivée des Européens au XIXè siècle. Leur population a ensuite connu une chute brutale en quelques décennies, notamment due aux maladies véhiculées par les colons.
Un trésor disparu
En 2009, Cristina Calderón, l’une des dernières représentantes du peuple yagan et dernière locutrice native de sa langue, avait été ajoutée à la liste des “trésors humains vivants” par l’Unesco pour son rôle fondamental dans la préservation et la transmission de la langue et des traditions de son peuple.
Jusqu’à ses derniers instants, elle s’est consacrée à l’artisanat et a réussi à transmettre une partie de son savoir sur cette langue non-écrite en voie d’extinction. Elle avait notamment rédigé, avec sa petite fille Cristina Zarraga, un livre de contes yagans, intitulé Hai Kur Mamashu Shis (Je veux te raconter une histoire) publié en 2005. Elle a également travaillé à la rédaction d’un dictionnaire de la langue yagan.
L’annonce de son décès a été faite sur Twitter le mercredi 16 février par l’un de ses neuf enfants, Lidia Gonzalez Calderón, vice-présidente adjointe de l’Assemblée chargée de la rédaction d’une nouvelle Constitution pour le Chili : “Ma mère, Cristina Calderón, est décédée. Je suis profondément attristée de ne pas avoir été avec elle au moment de son départ. C’est une triste nouvelle pour les Yagans. Tout le travail que j’accomplis actuellement [au sein de l’Assemblée constituante], je le fais en son nom.”
Ha fallecido mi madre, Cristina Calderón, a los 93 años. Tengo una pena profunda por no estar con ella al momento de partir. Es una noticia triste para los yagán.
Todo lo que haga en el trabajo en el que estoy, será en tu nombre. Y en él, estará también reflejado tu pueblo pic.twitter.com/zf9ecn1qOB
— Lidia González Calderón (@lidiayagan) February 16, 2022
Cristina Calderón était devenue un véritable symbole de la résistance culturelle des peuples indigènes du Chili et elle le savait : “Je suis la dernière oratrice yagan. D’autres comprennent encore, mais ils ne parlent pas et ne savent pas comme moi” avait-elle déclaré en 2017 à un groupe de journalistes lui rendant visite à Ukika. C’est dans ce village à un kilomètre de Puerto Williams, la ville la plus au sud de la planète, que survivent la centaine de descendants des derniers Yagans.
L’extinction d’une langue : “une perte irréparable”
La disparition de Cristina Calderón signifie l’inexorable extinction de la langue yagan. En effet, tel que le soulignait l’anthropologue Maurice van de Maele il y a cinq ans : “D’autres générations connaissent également la langue yagan mais pas au niveau de Cristina, il y aura donc une perte irréparable.”
Bien que la dernière locutrice native de cette langue ait laissé des écrits derrière elle, la véritable connaissance du yagan, langue uniquement orale, s’éteint désormais… D’autant plus que le yagan est un isolat, c’est-à-dire une langue sans relation identifiée avec aucune autre.
Le président élu chilien, Gabriel Boric, déplore sur Twitter la mort de Cristina Calderón mais souligne également que “son amour, ses enseignements et ses luttes depuis le sud du monde, là où tout commence, vivront à jamais.”
Hoy a los 93 años ha fallecido Cristina Calderón del pueblo Yagán. Pero su cariño, enseñanzas y luchas desde el sur del mundo, donde todo comienza, seguirán vivos por siempre. Un abrazo gigante a toda su familia y Villa Ukika. No están sol@s.
— Gabriel Boric Font (@gabrielboric) February 16, 2022
Par Maëlys Gendre.