Alors que s’ouvrait jeudi 9 juin 2022, à Paris, la première audience du procès contre le groupe Casino pour sa responsabilité dans la déforestation au Brésil, un comité de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil (APIB), en visite à Paris et Bruxelles du 8 au 16 juin, s’est rassemblé ce même jour devant le Tribunal de Paris. Composé de sept représentants indigènes, dont Dinaman Tuxá, Kretã Kaingang, Eunice Kerexu, coordinateurs exécutifs de l’APIB, Eloy Terena, coordinateur juridique de l’APIB, Crisanto Rudzo Tseremey’wa, directeur de la COIAB et Casemiro Tapeba, directeur de APOINME, la délégation a saisi l’opportunité de ce rassemblement pour dénoncer les politiques génocidaires et écocidaires de l’administration Bolsonaro et l’impact destructeur sur les terres indigènes, des importations de viande, de soja et d’or vers l’Union Européenne.
Plusieurs membres de Planète Amazone, dont notre fondateur Gert-Peter Bruch, se sont rendus sur place ce jour pour soutenir leurs revendications et recueillir leur témoignage. “Beaucoup de produits que vous achetez en supermarchés ici en France, proviennent de productions illégales implantées sur nos territoires. Notre objectif est de discuter de ces questions, réfléchir ensemble pour que vous puissiez avoir une alimentation qui n’implique pas de détruire nos terres” confie Crisanto Rudzo Tseremey’wa, directeur de la Coordination de l’Organisation Indigène de l’Amazonie du Brésil (COIAB).
Pendant plusieurs minutes après ces prises de parole, la police a encerclé l’ensemble des participants. Dans la vidéo ci-dessous, Gert-Peter Bruch commente en direct les événements.
La responsabilité du groupe Casino dans la déforestation en Amazonie
Plusieurs filiales du groupe français Casino, en particulier les supermarchés Pão de Açucar, au Brésil, ou encore Éxito, en Colombie, sont dans le viseur d’une dizaine d’organisations environnementales et de défense des peuples indigènes. En effet, ces enseignes sont accusées de commercialiser des produits provenants de fournisseurs ayant une responsabilité directe dans la déforestation illégale de la forêt Amazonienne.
Leur visite a pour Les organisations accusent le géant de la grande distribution française de ne pas avoir respecté l’une des lois pionnières françaises, datant de 2017 ; selon laquelle les entreprises comptant plus de 5000 employés ont un “devoir de contrôle” sur leurs filiales à l’étranger en matière de non-respect de l’environnement et de violations des droits de l’Homme.
Elles dénoncent notamment le fait que Casino commercialise et mette en avant des produits directement liés à la déforestation illégale en Amazonie brésilienne. Selon un rapport publié la semaine dernière par le Centre pour les Analyses de Crimes Climatiques (CCCA), basé à Haia, au Pays-Bas, des producteurs de bétails provenant de trois élevages de l’Etat brésilien du Rondônia seraient responsables de la déforestation de 50 000 hectares de forêt Amazonienne. L’une des zones déboisées faisait notamment partie d’une réserve où vit le peuple indigène Uru-Eu-Wau-Wau.
Eloy Terena, coordinateur juridique de l’APIB et de la COAIB (Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie brésilienne) a souligné le caractère inédit de cette action judiciaire, affirmant que les peuples indigènes, “après des années de tutelle juridique” avaient aujourd’hui, grâce à leurs avocats, “l’opportunité d’actionner le système de justice national et le système de justice international” et ont été entendus.
Ce dernier se dit être conscient des risques, notamment financiers, de poursuivre une grande multinationale, mais assure disposer de “preuves solides” de violations des terres Uru-Eu-Wau-Wau. Il indique que les images de télédétection ont identifié plus de 25 000 têtes de bétail, d’une valeur estimée à 73 millions de reais, dans des zones indigènes illégalement occupées.
Le groupe Casino s’est défendu en affirmant qu’il appliquait une politique “très rigide” sur la traçabilité de la viande bovine qu’il met en vente. L’avocat du groupe, Sébastien Schapira, a aussi déclaré qu’il y avait des limitations légales et administratives au Brésil qui pouvaient rendre la “surveillance plus complexe”, mais que cela n’était pas du ressort de Casino. Ce dernier a aussi déploré le fait que les organisations s’en prenaient à la filiale Pao de Açucar, alors que d’autres groupes de la grande distribution ne respectent pas les critères de base de respect de l’environnement.
La coalition formée par les différentes organisations a ainsi exigé que Casino prenne des mesures drastiques afin de s’assurer que les produits vendus sur les marchés brésilien et colombien ne soient pas issus de la déforestation de la forêt Amazonienne. Les peuples indigènes demandent également une indemnisation de 3,1 millions d’euros pour les préjudices et dommages moraux causés par ces activités illégales sur leurs terres.
Suite a cette mobilisation parisienne, les représentants indigènes de l’APIB se rendront à Bruxelles dans les prochains jours, où ils rencontreront une commission du Parlement européen et échangeront avec les parlementaires au sujet du projet d’interdiction des importations de matières premières, liées à la déforestation.
Sources principales :
UOL Notícias : “Julgamento inédito contra varejista Casino por desmatamento no Brasil avança na França”
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Article rédigé par Maud Laurent, Emmanuelle Palla et Sarah Price