La 18ème édition du Campement Terre Libre est en cours depuis le 4 avril 2022 à Brasilia. Organisée par Articulação dos Povos Indígenas do Brasil (APIB), il s’agit de la plus grande manifestation de peuples indigènes au Brésil. L’objectif de ce rassemblement, mené annuellement depuis 2004, est de mettre en lumière la lutte des populations indigènes et de mobiliser les différentes communautés et organisations indigènes du pays contre les menaces et atteintes à leurs droits fondamentaux.
Au 3ème jour du Campement Terre Libre, les représentants indigènes ont adressé une lettre ouverte au gouvernement contre le projet de loi 191/2020 qui pourrait, à terme, autoriser l’exploration et l’exploitation minière et pétrolière, la production d’énergie hydroélectrique, et l’agriculture intensive, sur les terres indigènes jusqu’ici protégées par la Constitution de 1988.
Unidas e unidos contra todos os retrocessos!
O Acampamento Terra Livre mandou o recado: Fora Bolsonaro!?: Marina Oliveira | Cimi#ATL2022 #DemarcaçãoJá #AbrilIndígena #AldearPolítica pic.twitter.com/lWw11UqMB8
— Cimi (@ciminacional) April 5, 2022
La mobilisation prévient que ce projet de loi consiste à “ouvrir la porte au passage du troupeau”. Le gouvernement actuel veut favoriser la spéculation immobilière sur les territoires indigènes, encourager l’invasion de l’agro-industrie avec ses pesticides et transgéniques et le défrichement des forêts pour l’élevage du bétail. En cœur, les nombreux indigènes présents à ce campement scandent alors “Dehors Bolsonaro” comme on le voit dans la vidéo ci-dessous partagée par la Cimi.
La Lettre ouverte contre la PL 191/2020 vise à mobiliser les signatures de parlementaires, personnalités, institutions, organisations et mouvements sociaux au Brésil et à l’étranger. Le document est également ouvert pour recevoir des signatures de particuliers.
Photo diffusée sur le compte Facebook officiel de l’APIB / André Guajajara
Voici le contenu de la Lettre ouverte :
« La forêt est vivante. Elle ne mourra que si les blancs
continuent à la détruire. S’ils réussissent, les rivières
disparaîtront sous terre, le sol s’effondrera,
les arbres se dessècheront et les rochers se fissureront sous la chaleur.»
– Davi Kopenawa, dans « La chute du ciel :
paroles d’un chaman Yanomami »
Le peuple brésilien doit connaître les graves impacts économiques, sociaux et environnementaux qui pourraient résulter de l’approbation du Projet de Loi (PL) n° 191/2020, non seulement pour les peuples autochtones, mais pour nous tous.
Le projet autorise l’exploitation minière sur les terres indigènes et fait partie du Programme de Destruction du gouvernement Bolsonaro. Ce projet piétine la Constitution Fédérale et attaque, une fois de plus, les droits des peuples indigènes du Brésil. Pour cette raison, nous, parlementaires et institutions partenaires du Front Parlementaire Conjoint de Défense des Droits des Peuples Autochtones (FPMDDPI), nous prenons position contre son approbation.
Nous rappelons que le 11 février 2020, une commission formée de représentants du Congrès, de la société civile et de leaders autochtones a soumis une demande au président de la Chambre des députés de l’époque afin que le projet soit renvoyé au pouvoir exécutif. Le PL 191/2020 comporte des problèmes juridiques et d’inconstitutionnalité évidents, il ne tient pas compte des traités internationaux dont le Brésil est signataire et il enfreint le Règlement Intérieur de la Chambre des Députés.
La justification du gouvernement Bolsonaro pour activer le régime d’urgence du projet n’est pas valable : la guerre en Ukraine menacerait l’agriculture brésilienne car la Russie est l’un des principaux fournisseurs d’engrais au Brésil. Selon une étude du Laboratoire de Gestion des Services Environnementaux de l’Université Fédérale du Minas Gerais (UFMG), environ 2/3 des réserves nationales de potassium, principal matériau dans la production d’engrais, se trouvent en dehors de l’Amazonie légale qui concentre 98% des terres autochtones démarquées dans le pays.
De plus, aucun des grands gisements de potassium de la région ne se trouve dans ces territoires ancestraux, considérés comme sacrés par les peuples autochtones et protégés par la Constitution. Selon les recherches de l’UFMG, les gisements déjà disponibles et situés en dehors des terres indigènes pourraient répondre à notre demande de minerai pendant plus de 80 ans.
La législature actuelle ne peut pas entrer dans l’histoire comme soutien de la destruction des peuples et des terres autochtones. Écoutons le cri de la forêt. Nous tous, députés, députées, sénateurs et sénatrices, quelles que soient nos positions politiques et idéologiques, devons nous battre pour ne pas porter cette tache indélébile. Et, pour cela, nous comptons sur le soutien de la population brésilienne !
Brasilia/DF, le 22 mars 2022.
Pour signer la lettre cliquez-ici.
À lire aussi :
Les peuples indigènes brésiliens se préparent pour le Campement Terre Libre 2022
Article rédigé par Emmanuelle Palla
Traduction de la lettre par Lise Durafour.