Une avancée symbolique pour les peuples indigènes : le Vatican répudie la “Doctrine de la découverte”


Jeudi 30 mars, le Vatican a officiellement répudié les concepts de la “Doctrine chrétienne de la découverte”, qui ont servi à justifier la colonisation de territoires entiers aux Amériques et en Afrique.


La délégation autochtone au Vatican fin mars 2022 souhaitait entendre le pape se prononcer sur cette doctrine. REUTERS / VATICAN MEDIA

Issue de bulles pontificales (décrets établis par le pape) promulguées au 15e siècle, cette doctrine conférait aux monarques européens le droit de revendiquer la souveraineté sur les terres non-chrétiennes nouvellement conquises, même si elles étaient habitées par des peuples autochtones.

 

La Doctrine de la découverte

La Doctrine de la découverte est un assemblage de principes à portée religieuse et juridique utilisés par les puissances européennes pour justifier, à partir du 15e siècle, l’occupation, le pillage et l’expansion coloniale sur des terres autochtones.

Selon l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, la doctrine de la découverte serait née avec la bulle Romanus pontifex de 1455, qui consacrait le principe selon lequel tout monarque chrétien qui découvre des terres non chrétiennes a le droit de les proclamer siennes. Ainsi, le pontife y déclarait :

Par les présentes Nous vous accordons [aux rois d’Espagne et du Portugal], de par Notre autorité apostolique, permission complète et libre d’envahir, de rechercher, de capturer et de soumettre les païens et tous les autres incroyants et ennemis du Christ […] et de réduire leurs personnes en servitude perpétuelle. 

Selon cette conception raciste et impérialiste, les peuples autochtones étaient considérés comme des « sauvages » ou des « barbares », qui ne possédaient ni véritable culture ni système juridique organisé, ce qui justifiait, aux yeux des européens, la prise de possession et le pillage de leurs terres. 

 

En quoi consiste la répudiation de la doctrine par l’Église catholique ?

Publié en cinq langues, ce document affirme que la « doctrine de la découverte », « ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique » et que les bulles papales rédigées « à une période historique spécifique » et liées « à des questions politiques » n’ont jamais été considérées « comme des expressions de la foi catholique”.

L’Église catholique « rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de “doctrine de la découverte” ».

Le document reconnaît aussi que « de nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises ».

 

Quelle avancée pour les peuples indigènes? 

La déclaration du Vatican est une réponse aux revendications de nombreuses organisations autochtones et de défense des droits humains qui, depuis des décennies, luttent pour l’abrogation de cette doctrine et la reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’autodétermination et à la protection de leurs terres et de leur culture.

Dans ce contexte, le désaveu par le Vatican de la Doctrine de la découverte est une avancée. Il crée un nouvel espace de dialogue qui pourrait déboucher sur des mesures concrètes pour améliorer les situations complexes que connaissent les peuples autochtones dans de nombreux pays. 

Mais cette répudiation n’est pas une fin en soi, surtout pas dans un monde où l’existence des peuples indigènes est toujours menacée par des institutions et des politiques, qui continuent d’adopter des attitudes coloniales visant à les assimiler ou, plus tragiquement, à les éradiquer. Et il est difficile d’en estimer les possibles impacts juridiques ou constitutionnels, les droits des peuples autochtones étant régis par des lois nationales, des traités internationaux et des décisions de justice.

Ainsi, Konrad Sioui, grand chef de la nation huronne-wendat, déclarait :

« La répudiation est une bonne chose. Maintenant, la balle est dans le camp des gouvernements, aux États-Unis et au Canada – mais particulièrement aux États-Unis, où la doctrine est ancrée dans la loi. »

Avec la répudiation de la Doctrine de la découverte, il est enfin permis d’espérer qu’un véritable élan aboutisse à la reconnaissance et à la réparation des terribles injustices subies par les peuples autochtones durant cinq siècles de résistance et de résilience…

 

Sources

Zenit : La doctrine de la découverte ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église

CBC News : Indigenous leaders hope Vatican’s repudiation of oppressive colonial concepts leads to real change


Article rédigé par Laetitia Forestier pour Planète Amazone



Mis a jour le 2024-08-22 14:42:25

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