Peuples indigènes d’Amazonie : Planète Amazone cosignataire d’un exposé alarmant validé par l’ONU


Le 23 Février 2012, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a validé la publication d’un rapport sur la situation désastreuse des peuples indigènes du Brésil ayant cours en Amazonie brésilienne, en particulier en raison de la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte.


Raoni et sa délégation au siège des Nations Unies, en septembre 2011 @ Gert-Peter Bruch

Raoni et sa délégation au siège des Nations Unies, en septembre 2011

Le 23 Février 2012, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a validé la publication d’un rapport sur la situation désastreuse ayant cours en Amazonie brésilienne, en particulier en raison de la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte. Ce rapport a été présenté par plusieurs organisations, parmi lesquelles Planète Amazone, qui administre la pétition du cacique Raoni contre le barrage brésilien décrié.

 

19ème session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies

Exposé écrit présenté conjointement par France Libertés –Fondation Danielle Mitterrand, American Association of Jurists, Society for Threatened Peoples, organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif spécial,

Survival International, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, International Educational Development, Inc., organisations non gouvernementales sur la liste.

Planète Amazone, ICRA (International Commission on the Rights of Aboriginal peoples, Association of Humanitarian Lawyers, Amazon Watch, International Rivers, des ONG sans statut consultatif partagent également les opinions exprimées dans cet exposé.

 

État des lieux du respect des droits des peuples autochtones au Brésil.

James Anaya, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, dans son rapport du 26 août 2009 sur la situation au Brésil (A/HRC/12/34/Add.2), a appelé l’État brésilien à respecter les conventions internationales qu’il a ratifié, afin de protéger les populations autochtones. Ces conventions exigent notamment la consultation adéquate des populations pour tout projet industriel les affectant.

Ainsi, La Convention 169 de l’Organisation Internationale du travail concernant les peuples indigènes et tribaux, que le Brésil a ratifié en 2002, exige dans son article 7-1 que les peuples « doivent participer à l’élaboration, à la mise en oeuvre et à l’évaluation de plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement ». Même si dans de nombreux cas les États estiment avoir respecté cette obligation, il reste un flou juridique lié à la notion de « participation » qui peut-être interprétée comme un simple devoir d’information, mais devrait viser en réalité l’application du principe de consentement préalable, libre et informé.

Le Brésil a également appuyé en 2007 l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Celle-ci dispose dans son article 32 -2 que « Les États consultent les peuples autochtones concernés (…) en vue d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres. »

Dans un rapport de 2010 étudiant le cas du Barrage de Belo Monte dans l’État de Pará (A/HRC/15/37/Add.1), James Anaya appelle le Brésil à accentuer sa protection des peuples autochtones lourdement affectés par le projet. Ces recommandations ont été suivies d’un arrêt non contraignant de la Commission interaméricaine des droits de l’Homme du 1er Avril 2011. La Commission demande à l’Etat brésilien de mettre en place un processus de consultation conforme aux normes internationales et à sa propre Constitution de 1988 contenant un chapitre garantissant les droits des peuples autochtones ; droits pourtant mis à mal par ce type de projet.

 

Les lobbys industriels face au respect du droit international et national des États.

De nombreux pays émergents font face à une demande énergétique croissante en mettant en oeuvre des projets hydroélectriques exploitant au maximum leurs ressources en eau. Ces 50 dernières années, 45 000 grands barrages ont été construits à travers le monde, entraînant le déplacement de populations, notamment autochtones, et ayant des impacts écologiques désastreux dans des régions où les écosystèmes devraient pourtant bénéficier d’une protection particulière.

La Commission Mondiale des Barrages, dans son rapport publié en 2000, dénonçait les impacts de ces grands barrages sur les populations autochtones dépendant de la rivière pour vivre, et a énoncé des lignes directrices que devrait respecter tout État envisageant ce type de projet. La place des lobbys industriels dans ces projets dédiés au rayonnement économique, à la production énergétique et à la création d’emplois, entraîne des impacts désastreux sur l’écosystème et de nombreuses violations du Droit international ainsi que du Droit national dans certains cas, comme celui du Brésil.

L’actuel projet de grand barrage Belo Monte a déjà attiré l’attention du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones en 2009 et 2010. Celui-ci a abouti à la conclusion d’un nécessaire renforcement de la protection des peuples, de leurs terres et de leurs ressources.

Malheureusement, l’absence de caractère contraignant de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et la marge de manœuvre laissée aux États dans leur interprétation de la Convention 169 de l’OIT leur permettent de dépasser ces règles juridiques dans leurs activités menées conjointement avec des multinationales.

Les modes de vie d’au moins 24 peuples autochtones brésiliens sont menacés par ce barrage et les territoires des peuples Juruna, Arara de la Volte Grande, Xipaya, Kuruaia, Xicrin de la région d’Altamira, Kararaô, Asurini, Parakanã, Baú, Menkragnoti et Paraná du Arauato seront directement impactés. Tous ces peuples, par la voix de leurs leaders tels que Sheyla Juruna ou l’emblématique Raoni Metuktire du peuple Kayapo (reçu en Septembre 2011 dans les instances onusiennes de Genève) appellent à un renforcement des règles internationales les protégeant.

Dans le cas de Belo Monte, une décision de la justice fédérale du 27 septembre 2011 ordonnait la suspension des travaux de construction de Belo Monte mettant en danger le droit à l’eau et aux ressources vivrières des populations dépendantes du fleuve pour survivre. Cette décision fut cassée en appel le 9 novembre 2011, ce retournement de situation semant ainsi le doute quant à l’indépendance de la justice vis-à-vis de ce projet.

Des règles internationales plus strictes devraient pouvoir s’imposer pour la défense des droits humains dans ce type de contexte.

 

Persécution des défenseurs des droits humains, culturels et naturels des peuples autochtones.

Aujourd’hui, il est nécessaire que la communauté internationale se mobilise, car au-delà du risque pour l’environnement, les activités des lobbys industriels avalisées par l’Etat brésilien menacent la survie des peuples. Il est nécessaire que l’Etat brésilien protège ses populations. James Anaya rappelle dans son rapport de 2009 sur la situation brésilienne, que l’Etat doit prendre toutes les mesures pour assurer la sécurité des individus et communautés indigènes, ainsi que la protection de leurs terres.

Or, des projets tels que Belo Monte font se mobiliser de nombreuses communautés locales et attisent de vives tensions. En effet, ces dernières années, des attaques violentes à répétition se sont produites dans les Etats du Para et du Mato Grosso do Sul où vivent une majorité de peuples autochtones. De nombreuses ONG ne cessent de dénoncer les persécutions commises à l’encontre des peuples défendant leur terre, leur accès à l’eau, autrement dit leur vie.

Le CIMI (Conselho Indigenista Missionário), ONG brésilienne, a publié un rapport sur les violences perpétrées contre les peuples indigènes au Brésil en 2012, faisant état de plus de 1700 actes de violences contre des personnes dont 60 assassinats, notamment dans l’Etat du Mato Grosso do Sul mais aussi dans l’Etat du Para où s’implanterait le projet de Belo Monte. Pour exemple, Raimundo Anilton Alves da Silva du peuple Tembé, assasiné en juin 2010, ou encore les défenseurs de l’environnement José Cláudio Ribeiro da Silva et sa femme Maria do Espírito Santo da Silva, abattus par deux hommes armés après avoir été pris dans une embuscade. Des menaces directes ont aussi été reçues par les leaders indigènes de différentes tribus à Altamira lors d’une rencontre avec la firme Electronorte en charge du projet de Belo Monte en juin 2010. Récemment encore, en novembre 2011, Sheyla Juruna, activiste indigène, fut violemment agressée. D’autres projets industriels au Mato Grosso do Sul, telle que les plantations de sucre de canne sur les terres Guarani, ont aussi engendré des menaces et meurtres de leaders Guarani-Kaiowá, comme Nisio Gomes tué en Novembre 2011. Ces exemples confirment que la situation de violence contre les défenseurs des droits des peuples continue.

 

Recommandations

Ce constat alarmant n’a pas empêché le Brésil de réduire le nombre d’aires protégées le long de la rivière Tapajos, pour ouvrir la voie à d’autres barrages, sans analyse préliminaire des impacts sociaux et environnementaux, ce qui constitue une violation de la Constitution brésilienne (article 225). L’examen périodique universel du Brésil, qui aura lieu en Mai 2012, doit dénoncer ces situations et appeler l’Etat brésilien à un changement.

Les peuples autochtones brésiliens menacés par ce grand barrage, relayés par nos organisations, demandent:

• Que le rapporteur Spécial pour les droits des peuples autochtones James Anaya effectue une nouvelle mission d’urgence au Brésil, afin d’assurer la protection des peuples les plus vulnérables et les poursuites de ceux qui les menacent.

• Que suite à cette mission, James Anaya réclame la mise en oeuvre d’une protection effective de ces peuples. L’État brésilien doit assurer la sécurité de son peuple, comme tout État démocratique, y compris la sécurité des défenseurs des droits de l’homme et leaders de mouvements sociaux.

• Que l’État brésilien respecte et rende effectifs les droits des peuples autochtones tels que garantis par la Convention n°169 de l’OIT, en particulier le droit à un consentement libre et éclairé concernant toute décision pouvant les affecter.

• Que l’État brésilien adopte une stratégie énergétique démocratique et un Code forestier incluant le respect et la protection des peuples et de leurs ressources naturelles, quelque soit la pression des lobbys industriels.



Mis a jour le 2024-03-23 14:49:41

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