En décembre dernier, les chiffres communiqués par l’Institut national de recherches spatiales brésilien (INPE), indiquaient qu’entre août 2019 et août 2020 la déforestation en Amazonie avait augmenté de 9,5%. L’INPE n’avait pas enregistré de chiffre aussi important depuis 2008. Ce sont 11.088 km² de forêt qui ont été détruits en seulement un an. Ces chiffres records, à la Une des journaux du monde entier, ne semblent pas pour autant alarmer le président brésilien.
Un accord secret entre Bolsonaro et Biden ? Les indigènes disent « pas question! »
En mars, l’articulation des peuples autochtones du Brésil (APIB), inquiète à l’idée de voir les États-Unis conclure un accord avec le président brésilien lors du sommet sur le climat, tente de dissuader Joe Biden. Dans une lettre destinée au président américain et à son envoyé spécial pour le climat, John Kerry, l’APIB exprime son désir de vouloir être inclus dans les questions liées à l’Amazonie brésilienne. Dans cette lettre, les peuples indigènes dénoncent des projets de loi émanant du gouvernement Bolsonaro qu’ils jugent être des « crimes socio-environnementaux » en plus de l’arrêt des politiques de protection de la forêt amazonienne.1Pourtant, il est essentiel d’inclure les peuples autochtones dans la table des négociations et de l’élaboration de la stratégie”.
Si aujourd’hui les représentants de communautés indigènes et ONG font appel à Biden, c’est parce qu’au cours de sa campagne présidentielle, Joe Biden a affirmé à plusieurs reprises vouloir s’impliquer dans la protection de l’Amazonie brésilienne. En effet, lors d’un débat face à l’ancien président Donald Trump, il avait déclaré : « Les forêts tropicales du Brésil sont en train d’être détruites. Cette forêt absorbe plus de carbone que les États-Unis n’en émettent. Je veillerai à ce que plusieurs pays se réunissent et disent (au Brésil) : Voici 20 milliards $, arrêtez de détruire la forêt.» Ce à quoi le ministre de l’environnement, Ricardo Salles, a répondu avec ironie sur twitter :
Só uma pergunta: a ajuda dos USD 20 Bi do Biden, é por ano ?
— Ricardo Salles MMA (@rsallesmma) September 30, 2020
Selon une vidéo publiée par l’APIB (12/04), le Brésil et les États-Unis seraient sur le point de conclure un accord financier lors du sommet sur le climat, sans écouter les peuples de la forêt amazonienne. Par conséquent, si cet accord venait à voir le jour, le gouvernement Biden serait à son tour complice de la destruction environnementale menée par le président Bolsonaro.
Mr. @JoeBiden , the indigenous peoples from Brazil know you are making a secret climate deal with Bolsonaro. We must warn you. DO NOT TRUST HIM.
If you want to help the Amazon, talk to the people that live and keep the forest alive. #AmazonOrBolsonaro #WhichSideAreYouOn pic.twitter.com/pKLHDNSEJg— Apib Oficial (@ApibOficial) April 12, 2021
Le message du cacique Raoni
Défenseur emblématique de la forêt amazonienne, le cacique Raoni a fait parvenir une vidéo au président américain, dans laquelle il exprime la détresse des populations indigènes brésiliennes. Diffusée lors du Forum National de Défense de l’Amazonie au Congrès National, qui s’est tenu le 15 avril dernier, cette vidéo a rapidement fait la Une de la presse brésilienne.
C’est avec le cœur lourd que Raoni fait part des menaces omniprésentes sur la Terre Mère. La multiplication des activités illégales sur ces territoires est un véritable fléau (exploitation minière, exploitation du bois, exploitation pétrolière, agro-industrie…), devenu incontrôlable et dangereux pour les populations qui y vivent. Le grand chef Kayapo déclare : « Si vous ne savez pas prendre soin de vos terres, pourquoi nous incommoder nous qui prenons soin de nos forêts.» Dans un rapport récent publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Fonds pour le développement des peuples autochtones d’Amérique latine et des Caraïbes (FILAC), les peuples indigènes sont reconnus comme les “meilleurs gardiens” des forêts.
Le plus grand leader indigène brésilien demande à Joe Biden de l’aide, mentionnant « si vous m’aidez, je vous aiderai également.» Son plus grand désir serait de trouver un accord pour préserver la biodiversité sans interférer sur leur mode de vie. Et que la forêt ne soit plus détruite par des étrangers.
Enfin, il souligne que le président Jair Bolsonaro n’a jamais voulu le recevoir ou l’écouter, à l’inverse de ces prédécesseurs, et que c’est la raison pour laquelle il s’adresse à Biden ; à qui il demande « d’ignorer Bolsonaro si jamais il venait à dire des choses mauvaises à son sujet.»
Lors de cet évènement d’autres activistes en faveur de l’environnement étaient présents pour faire entendre leur combat – Sonia Guajajara, Joenia Wapichana, Jonah Wittkamper ou encore Morgan Freeman – tous défendent la même cause : la préservation de la Terre Mère.
La politique environnementale destructrice de Bolsonaro rappelée à Biden
Élu en 2019, Jair Bolsonaro, n’a jamais caché son désintérêt total pour l’écologie, qu’il considère comme un frein au développement économique. Depuis son arrivée au pouvoir, la déforestation et le développement d’activités illégales en Amazonie ont atteint un niveau préoccupant. Les champs destinés aux monocultures se dupliquent à vue d’œil en Amazonie brésilienne, qui occupe environ 60 % du territoire. Ce sont des millions d’hectares de forêts qui continuent à être décimés pour laisser place à l’élevage intensif de bétail, la culture de soja, de canne à sucre, de maïs, de coton ou encore de café.
Les exploitations pétrolières et minières participent également au génocide des terres du territoire amazonien, soutenu par le gouvernement du président brésilien d’extrême droite. Dans une vidéo publiée par France Culture en 2019, Bolsonaro affirme sourire en coin, avoir lui-même été orpailleur, sous-estimant ainsi la gravité de cette activité. En effet, le mercure utilisé pollue les fleuves, empêchant ainsi les activités comme la pêche, et empoisonnant les communautés locales qui utilisent l’eau.
D’autre part, la réduction du budget du Ministère de l’environnement préoccupe les écologistes. L’Institut brésilien de protection de l’environnement (IBAMA) n’a plus les moyens de remplir sa mission de sauvegarde de l’Amazonie. La réduction de ce dernier bloque l’avancée et le combat de ces institutions.
Inlassablement pointé du doigt, Bolsonaro se complait pourtant dans le déni. Lors de son discours à l’ONU le 22 septembre 2020, le président brésilien dresse le portrait d’un Brésil devenu une “agro-puissance” exportatrice, dont il est fier. Lorsque l’on aborde le sujet de l’Amazonie, il se décrit comme victime « d’une des campagnes de désinformation les plus brutales sur l’Amazonie et le Pantanal.»
La situation va-t-elle changer ? En janvier 2021, les Américains ont élu Joe Biden comme chef d’État. Au cours de sa campagne, il a plusieurs fois fait part de son intérêt à mettre en place des actions pour protéger l’Amazonie. Les peuples indigènes brésiliens espèrent que Biden saura les entendre.
1 BBC News Brasil in Washington, Indígenas pedem linha direta com governo Biden em conversas sobre Amazônia, par Mariana Sanches.
Par Béatrice Fidalgo