Des activistes du monde entier, y compris des peuples indigènes, ont répondu à l’appel du collectif Bassines non merci et sont venus participer aux manifestations du 25 et 26 mars 2023 en France. Fermement opposés aux projets des mégabassines, ils ont expliqué à l’Assemblée nationale le 22 mars les effets destructeurs de l’adoption de telles mesures dans leurs pays respectifs.
Une fausse solution
La France métropolitaine a battu cet hiver des records de sécheresse, avec 32 jours sans véritable pluie. Déjà durement éprouvées par la crise climatique et les canicules estivales, les nappes phréatiques peinent à retrouver leur niveau d’origine.
Pour faire face à cette situation inédite, le gouvernement Macron a proposé une solution qui est très controversée : la construction de méga bassines. Ces immenses réserves d’eau sont équipées d’un système de pompe qui accapare l’eau des nappes phréatiques constituées en hiver pour irriguer les champs l’été.
Mais cette solution comporte des risques énormes. Partout dans le monde, elle a échoué à régler le problème de la sécheresse et elle diminue grandement les disponibilités en eau.
Les mégabassines, une catastrophe pour l’environnement et les hommes
Les militants indigènes d’Amérique du Sud expliquent que les mégabassines construites il y a 35 ans ont échoué à pallier le manque d’eau au Chili. Depuis plus de onze ans, le pays est victime d’une sécheresse sans précédent. Les populations n’ont donc pas suffisamment d’eau pour répondre aux besoins hygiéniques de base définis par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Pire, les mégabassines aggravent les phénomènes de stress hydrique. Au Chili, elles ont conduit à un accaparement total de la ressource par le secteur agricole. Selon le Courrier International, les grands producteurs agricoles consomment désormais 75% de l’eau potable au prix d’énormes prélèvements de l’eau des nappes phréatiques. Par conséquent, les grands fleuves s’assèchent et les disponibilités en eau s’amenuisent.
Au Chili, la construction des mégabassines a été le point de départ vers une privatisation de l’eau. Désormais, “l’eau s’échange sur un marché où le profit prime”, explique Manuela Royo, historienne et avocate chilienne, membre du collectif Modatima. Ce phénomène a entraîné les mêmes effets dévastateurs au Mali. Les entreprises ont pompé les fleuves et les nappes phréatiques aux détriments des animaux et des petits agriculteurs.
Partout, les mégabassines ont favorisé l’agriculture intensive et le maintien de pratiques très néfastes. Lors de leur synthèse du 20 mars 2023, les scientifiques internationaux du GIEC ont rappelé que ce modèle agricole n’est plus soutenable et qu’il faut impérativement réduire sa consommation d’eau et ses autres destructions environnementales.
Les multinationales prennent le contrôle de l’eau
Les militants mettent également en garde contre les multinationales, grandes gagnantes d’une privatisation de l’eau. Layla Staats, activiste du peuple canadien mohawk et réalisatrice du film Blood and water, témoigne de leurs comportements au Canada : « Nous sommes confrontés aux agissements des compagnies comme Nestlé, qui pompe de l’eau dans les nappes phréatiques et la revend ensuite ». Ces entreprises abaissent encore le niveau des nappes au profit d’activités extrêmement polluantes comme l’exploitation de mines et la construction de gigantesques pipelines. De surcroît, ces activités sont une menace directe pour le peuple mohawk.
Le principe des mégabassines ne provoque pas uniquement des désastres écologiques, il bouleverse aussi les sociétés humaines. Pour le peuple colombien Yukpa, l’eau est au fondement de nombreux mythes et traditions. « Sans rivières, les femmes ne peuvent plus parler à l’esprit de l’eau. Et toute une nouvelle génération ne pourra pas apprendre nos traditions. Nous sommes en pleine destruction physique et culturelle. », explique l’un de ses représentants.
Pour une législation internationale !
« ll ne s’agit pas d’un problème isolé sur un seul territoire, tout est connecté », rappelle Layla Staats. En effet, l’enjeu est mondial : l’ONU avertit que plus d’un quart de la population est déjà touchée par le stress hydrique et cela va augmenter. Par conséquent, les militants appellent à reconsidérer l’eau non pas comme une ressource privée mais comme un bien commun de l’humanité. Après la première conférence des Nations Unies sur l’eau et l’adoption historique du traité sur la protection des aires marines, il est temps d’adopter une véritable législation internationale sur l’eau !
Sources :
Reporterre : Mégabassines : des militants du monde entier rejoignent la lutte
Radio France : Nicolas Girod : les “méga bassines”, “une privatisation de l’eau par une minorité d’agriculteurs
Libération : Chili : sans eau en pleine pandémie, à l’ombre des avocatiers
Courrier international : Au Chili, le manque d’eau frappe surtout les petits éleveurs
Les Echos : Le « stress hydrique » touche plus d’un quart des habitants de la planète
Tiempo de San Juan : Cuáles son las fuentes de agua con las que se alimenta San Juan
Pour aller plus loin :
https://planeteamazone.org/actualites/climat/nouveau-rapport-du-giec-lhumanite-au-bord-du-precipice/
Article rédigé par Quentin Moreau pour Planète Amazone.