La bombe de la semaine
Le plan d’installation des barrières sanitaires pour protéger les communautés indigènes pendant la pandémie, présenté par le gouvernement fédéral du Brésil, a laissé de côté 70% des terres indigènes. Selon un rapport du quotidien O Globo, seules 163 des 537 terres indigènes, à l’exclusion de celles habitées par des peuples isolés, figurent comme bénéficiaires des mesures établies par le Tribunal suprême fédéral brésilien (STF, une entité qui regroupe les fonctions de la cour de cassation et du conseil constitutionnel en France) pour contenir l’avancée du Covid-19 parmi les peuples originaires. Le document a été élaboré par le groupe de travail dirigé par Damares Alves, ministre de la Femme, de la Famille et des Droits de l’homme et l’une des porte-parole de la branche la plus idéologique du gouvernement Bolsonaro. Le plan du gouvernement fédéral stipule qu’il y a 274 barrières sanitaires installées, dont 132 (48%) sont gérées exclusivement par des populations indigènes, et donc sans participation des fonctionnaires de la Fondation Nationale de l’Indien (la Funai) ou du Secrétariat spécial de la santé indigène (le Sesai). Seules 25 de ces barrières sanitaires (9%) sont organisées exclusivement par des agents du gouvernement. Quant aux 55 autres barrières citées dans le document (20%), il n’existe même pas d’informations sur leur composition. L’ Articulation des peuples indigènes du Brésil (l’Apib) considère le plan comme « extrêmement déficient et incohérent » et a adressé lundi 17 août une pétition au ministre Luís Roberto Barroso pour revoir les mesures du plan, déclarant que « le plan du gouvernement manque d’analyse technique et utilise les études, les informations et la terminologie de manière superficielle et inappropriée ».
Et en quoi cela vous concerne ?
Le projet politique mené par l’administration Bolsonaro tolère la propagation du coronavirus et menace l’autonomie, la connaissance et le droit à l’existence des peuples traditionnels originaires du Brésil. Ces peuples entretiennent, dans leur diversité culturelle inépuisable, des modes de vie qui garantissent la protection socio-environnementale de leurs territoires et qui ne sont possibles qu’au sein de leurs communautés, de plus en plus gênées par la politique d’omission du gouvernement fédéral. On dénote, de la part de ces gestionnaires, une volonté de ne pas respecter les décisions judiciaires qui déterminent l’application immédiate des règles de la Constitution fédérale en faveur de la protection des peuples indigènes, en exprimant clairement leur souhait de ne pas reconnaître cette partie de la population par l’État brésilien. Il est donc essentiel de lutter contre la subversion du rôle exigé du pouvoir exécutif et la déprédation de la compétence du personnel technique des organes chargés de formuler les politiques publiques et les mesures de sécurité requises pour protéger les communautés indigènes les plus diverses qui font face aux décès causés par la pandémie.
A ne pas manquer
Une étude publiée en juillet dans la Revue internationale de recherche environnementale et de santé publique révèle que les poissons les plus consommés par les populations indigènes et les Ribeirinho dans l’État d’Amapá sont contaminés par le mercure. Les poissons analysés ont été collectés à proximité de zones d’extraction d’or potentielles, où le mercure est couramment utilisé dans le processus de séparation de l’or. Les résultats ont montré des niveaux détectables de mercure dans tous les poissons analysés et pour 28,7% d’entre eux, la quantité dépassait la limite de l’OMS, les quatre espèces de poissons les plus consommées par les populations indigènes et riveraines étant celles contenant les concentrations les plus élevées de mercure.
Pour ne pas dire que je n’ai pas parlé des fleurs
En partenariat avec des associations et des coopératives, les communautés ribeirinhas de la Réserve de développement durable (RDS) d’Uatumã et d’autres communautés situées en Amazonie ont lancé cette semaine un label de commercialisation collective des produits forestiers amazoniens. Le label Inatu apparaît à travers Cidades Florestais (Villes forestières), un projet de l’Institut pour la conservation et le développement durable de l’Amazonie (Idesam) financé avec le soutien du Fonds Amazônia/BNDES. Au moins 2500 personnes pourront bénéficier de ce label qui met en valeur les familles qui vivent de l’extractivisme.
Nous avons sélectionné un souvenir de la rencontre entre “Mestra Sebastiana” de la communauté Tabatinga de Carrapatos (un quilombo de la ville de Bom Despacho, dans l’État du Minas Gerais) et de “Mestre Seu Badu” du quilombo de Mato do Tição (dans la petite ville de Jaboticatubas, au Minas Gerais), au début des activités du Programme des savoirs traditionnels de l’Université fédérale de Minas Gerais (UFMG) en 2014. Créé à l’UFMG en 2014, le Programme de formation transversale aux savoirs traditionnels s’est inspiré de – et est en dialogue avec – la Réunion des connaissances de l’Institut national des sciences et technologies pour l’inclusion dans l’enseignement supérieur et la recherche de l’Université de Brasília (UnB). En accordant l’hospitalité à la connaissance des cultures afrodescendantes, indigènes et populaires, le projet cherche à ouvrir l’université à des expériences d’enseignement et de recherche multi-épistémiques.
La dernière heure
ICMBio a publié mercredi 19 août une Note normative (IN) qui régit les lignes directrices et les procédures pour l’évaluation du risque d’extinction des espèces de la faune brésilienne, l’utilisation du système d’évaluation du risque d’extinction de la biodiversité, la politique de données et la publication des résultats en accord avec le Pró Espécies (Programme national pour la conservation des espèces en danger critique). Parmi les modifications, nous soulignons le changement des délais pour l’exécution de chaque étape du processus d’évaluation du risque d’extinction des espèces de la faune brésilienne. Les étapes de consultation (II) et de réunion préparatoire (III) – qui avaient leurs délais minimaux fixés entre trois et deux mois, respectivement – devront désormais durer 30 jours au minimum. Alors que l’étape de validation (V), qui avait une durée maximale d’un an après l’achèvement du travail d’évaluation, a maintenant la même durée maximale, mais dans l’année suivant l’atelier. Et enfin, l’étape de publication (VI) de la synthèse des résultats de l’étape scientifique est passée d’une période maximale de trois mois après l’atelier de validation à un an après la validation du résultat.
Lettre de sang
En violation de l’une de ses propres règles de transparence et de participation, sans divulgation préalable des documents et des informations qui soutiendront la prise de décision, l’Anvisa (l’Agence nationale de sécurité sanitaire brésilienne) a tenu une réunion mardi 18 août pour revoir la date prévue pour l’interdiction de l’un des pesticides les plus mortels au monde. Le paraquat est interdit dans l’Union européenne car il provoque des mutations génétiques et la maladie de Parkinson chez les travailleurs qui l’appliquent ; il devrait être interdit au Brésil le 22 septembre cette année. Le comité d’éthique d’Unicamp (l’université de la ville de Campinas, proche de la capitale économique du pays, São Paulo) a déjà suspendu l’une des principales enquêtes prônées par les producteurs ruraux et les fabricants de pesticides, mais le retard dans la réalisation d’autres enquêtes continue d’être utilisé comme un argument central pour empêcher l’interdiction du paraquat. C’est aussi sous ce prétexte que la décision fut reportée lors de la dernière réunion.
Une conquête historique
Sting avec le cacique Raoni Metuktire
© The Rainforest Fundation
Le processus d’homologation de la terre indigène Menkragnoti a commencé il y a trois décennies.
En 1988, Raoni et le chanteur Sting parcourent l’Europe à la recherche de ressources financières pour la délimitation d’un terrain pour les Kayapo Mekrãgnoti. Ensemble, ils ont amassé 1,5 million de dollars. L’année suivante, Sting est venu au Brésil et, avec Raoni, ils sont allés parler au président José Sarney pour délimiter le terrain, offrant les ressources pour la démarcation. Sarney a déclaré être d’accord avec la demande et a signé un décret permettant à la Funai d’interdire l’accès à la terre indigène Menkragnoti pendant 150 jours, pour permettre des études qui rendraient sa démarcation possible. Une telle consécration s’est produite pendant le gouvernement Collor, lorsque son ministre de la Justice, Jarbas Passarinho, a déclaré la terre comme une occupation indigène permanente.
Enfin, les Kayapo Mekrãgnoti, reconnus pour leur engagement politique historique dans la lutte pour la défense des droits des peuples indigènes du Brésil, ont obtenu, par un décret du 20 août 1993 du président Itamar Franco, l’homologation de la terre indigène Menkragnoti, située dans les communes de Matupá, Peixoto de Azevedo, São Félix do Xingu et Altamira, sur le plateau central du Pará et du Mato Grosso. À cette époque, la lutte du peuple Kayapo était déjà mise en évidence dans le débat national et international grâce à la bataille qu’il menait pour le respect de l’article 231 de la Constitution fédérale du Brésil, la politique de délimitation des terres indigènes et pour sa participation à la campagne de défense de la forêt amazonienne et de protection de ce territoire contre la construction abusive de barrages hydroélectriques et les intérêts miniers qui faisaient pression sur leurs territoires.
Située dans les États du Mato Grosso et du Pará, la terre indigène Menkragnoti se trouve dans la région du corridor du Xingu : une superficie d’environ 28 millions d’hectares, incluant 21 terres indigènes et neuf unités de conservation contiguës, abritant des centaines de familles riveraines et 26 peuples indigènes.
« Xingu est le cœur et nous sommes les veines et les artères qui relient le territoire » – Herculano Costa
© Instituto Socioambiental, le 21/08/2020, traduit du portugais par Oswaldo Carvalho – Article original
Cette actualité est associée au programme Monitoramento de Áreas Protegidas (Surveillance des aires protégées)