C’est à côté du Théâtre national de Brasilia, dans le camp de Levante, que les peuples indigènes du sud et sud-est du Brésil ont élu domicile il y a maintenant une semaine. Ils ont fait le déplacement pour suivre en direct l’évolution du projet de loi 490/2007 qui devrait être voté entre le 11 et 18 juin. Véritable injure à leurs droits, ce projet de loi pourrait bel et bien les priver de leurs droits fondamentaux. La réunion de la Commission Constitution et Justice de la Chambre des députés (CCJC) aura lieu aujourd’hui, mardi 15 juin, dès 13h00 (heure de Brasilia).
Les peuples indigènes du Brésil disent “NON” au projet de loi 490/2007
Le procès virtuel, initialement prévu du 11 au 18 juin 2021, pour voter le projet de loi 490/2007 visant à ouvrir les Terres Indigènes à l’exploitation économique prédatrice, a été interrompu quelques minutes après le début du scrutin, suite à la demande du ministre Alexandre de Moraes.
Inquiets face à l’idée de perdre l’intégralité de leurs droits, des centaines de représentants indigènes issus d’environ 70 peuples du pays se sont rendus sur place, à Brasilia, pour contester ce projet ethnocidaire. Caciques, jeunes et alliés multiplient les manifestations depuis leur arrivée à la capitale. C’est dans une ambiance pacifiste, accompagnée de chants et rituels traditionnels que les membres présents sur place tentent de faire entendre leurs voix. Avant même que le procès ne commence, le 8 juin, ils sont parvenus à occuper le toit du Congrès national protestant et affirmant qu’ils ne se retireraient pas tant que le projet de loi 490 ne sera pas définitivement abandonné.
Le peuple Kayapo en action. ©Tau Metuktire
En effet, si cette mobilisation suit de près l’éventuelle entrée en vigueur du projet de loi 490, les peuples indigènes manifestent également contre d’autres propositions, sans foi ni loi, suggérées par le gouvernement Bolsonaro. Parmi elles, le projet de loi connu sous le nom de “PL da Grilagem” (PL 2633/2020), qui vise à autoriser l’accaparement et l’exploitation des terres indigènes. Il a été présenté début mai devant la Commission de l’environnement et est également à l’ordre du jour. Sans même être entré en vigueur, ce projet provoque une ruée vers l’Amazonie et impacte déjà fortement l’Amazonie brésilienne en terme de déforestation.
Déterminés à se faire entendre et dans l’espoir que leurs droits continuent d’être garantis par la Convention n°169 de l’OIT, les indigènes poursuivent sans relâche depuis quelques semaines leurs mobilisations dans les rues de Brasilia. Le Conseil Indigène Missionaire affirme : « Avec la mobilisation des peuples indigènes et la pression des parlementaires alliés, le vote a été reporté à plusieurs reprises.» Ce dimanche 13 juin, la Copa America a été lancée au Brésil malgré la situation sanitaire alarmante. Plus de 120 indigènes sont sortis dans les rues pour défendre leurs droits. Parmi les nombreux messages figurant dans le cortège, nous avons pu voir défiler les messages : « Copa non, Vaccin oui !», « Bolsonaro Dehors » ou encore « Marqueur temporel non ! »
La politique gouvernementale de Bolsonaro est systématiquement alimentée de projets ou de décisions visant à anéantir les peuples originels. Rappelons que Bolsonaro avait vivement encouragé la FUNAI à renoncer à la démarcation des terres indigènes. Ces projets de lois seraient une attaque frontale à nos Gardiens, mais également un coup de massue pour les précieux écosystèmes brésiliens, s’ils venaient à être appliqués. Les peuples indigènes perdraient la totalité de leurs droits, et notamment l’intégrité et l’usufruit de leurs territoires ancestraux pourtant garantis par la Constitution de 1988.
Appel du cacique Metuktire, petit-fils du cacique Raoni, en direction de la communauté européenne :
Le cacique Tau Metuktire a transmis ce jour à Gert-Peter Bruch, président de Planète Amazone, un appel à la communauté européenne pour appeler à soutenir la mobilisation des peuples indigènes. Aux dernières nouvelles, le peuple Kayapo n’a pas été reçu par le ministre de la justice, comme il le souhaitait.
« Nous sommes ici [à Brasilia] pour manifester contre le projet de loi 490 (PL 490/2007). Nous nous sommes déplacés jusqu’ici pour discuter avec les milices paramilitaires, le gouvernement, au sujet de cette loi – qui concerne les droits sur les Terres Indigènes – que ce dernier souhaite mettre en place, afin que le projet de loi ne soit pas approuvé. (…) C’est pour ça, qu’aujourd’hui, nous jeunes et caciques traditionnels sommes venus manifester contre le projet de loi 490.
Hier, nombreux de nos alliés nous ont rejoint ici pour lutter, ensemble. (…) Nous attendons un rendez-vous pour discuter avec les responsables de ce projet de loi. Nous sommes ici, en lutte. Nous les indigènes vivons traditionnellement, notre langue est vivante, notre culture est vivante, la forêt est en paix. Toutes ces choses, nous les indigènes, nous ne voulons pas les perdre ! La Terre est avant tout notre vie, c’est pour ça que nous sommes ici. Nous espérons qu’une autre personne en dehors du Brésil comprendra notre situation. J’aimerai recevoir un soutien politique extérieur, qui discuterait avec le gouvernement brésilien pour qu’ils ne nous menacent plus, qu’ils ne tentent plus de détruire notre territoire ! Il faut que ce message circule en dehors du pays pour que l’on nous aide à discuter avec le gouvernement brésilien afin que ce projet de loi n’aboutisse pas. Nous sommes ici à Brasilia, pour ça. Cette loi ne doit pas être approuvée ! Merci beaucoup et à très bientôt.»
Par Béatrice Fidalgo, avec la participation de Gert-Peter Bruch