Cet écosystème emblématique, s’étirant sur 384 000 kilomètres et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1981, a connu un grave épisode de blanchissement cet été austral 2020. Une étude menée par le Centre d’étude des récifs coralliens de l’université James-Cook, en Australie, nous apprend ainsi que 25,1 % des récifs ont été sévèrement touchés et 35 % modérément. C’est le troisième épisode grave de la sorte en cinq ans ! La décoloration des coraux causée est particulièrement alarmante car pour la première fois, elle impacte l’ensemble des trois régions qui composent cette énorme structure vivante. Jusqu’à présent, la partie sud n’avait pas été touchée et elle conservait ainsi des espèces très vulnérables à la chaleur qui s’y trouvaient en nombre important et dans de bonnes conditions.
C’est en février que le bureau de météorologie a enregistré la température des eaux la plus élevée dans la zone depuis le début des relevés en 1900. Du fait de la chaleur excessive, les petites algues qui donnent aux coraux leurs couleurs et leur fournissent des nutriments sont expulsées. Cependant, tous ne retrouvent pas leur coloration avec la baisse des températures, certains coraux sont plus sensibles et disparaissent donc du fait de ces pics de chaleur. Si ces événements ne se sont passés massivement qu’à quatre reprises ces vingt dernières années – en 1998, 2002, 2016 et 2017 – ces occurrences sont de plus en plus fréquentes. Ainsi le directeur du centre de météorologie, Terry Hughes se désole : « Ce qui est particulièrement regrettable, c’est que des récifs avaient commencé à se régénérer. Malheureusement, de jeunes coraux en pleine croissance viennent de blanchir à leur tour ». Le dérèglement climatique ne donne donc plus assez de temps à la Grande Barrière de corail pour se régénérer. En effet, on prévoit que cela se reproduira quasiment tous les ans et l’écosystème s’en trouverait ainsi altéré de manière profonde et irréversible.
La menace est immense pour l’environnement marin mais aussi pour la sécurité alimentaire des millions de personnes vivant de la pêche dans ces régions abritant un tiers des espèces animales et végétales marines. Ainsi, plusieurs mesures vont être mises en place par le gouvernement australien, notamment pour améliorer la qualité des eaux polluées par l’industrie et l’agriculture. L’objectif premier devrait pourtant être la réduction des émissions de gaz à effet de serre, seule évolution permettant de limiter le réchauffement des océans, mais le premier ministre, Scott Morrison, et son gouvernement conservateur semblent préférer défendre les intérêts de l’industrie minière naissante dans la région. C’est dans ce contexte déplorable que l’autorité du parc marin de la Grande Barrière de corail a déterminé, en août 2019, ses projections comme « très mauvaises », qualification qui sera prises en compte par le comité de l’Unesco cet été : va-t-il placer cet écosystème remarquable sur la liste du patrimoine mondial en péril ?
– par Adèle Moriceau –