Face à une déforestation accrue en Amazonie brésilienne, la demande en semences d’arbres endémiques pour restaurer les écosystèmes a augmenté. C’est ainsi qu’est née en 2004, l’initiative Xingu Seed Network, un réseau de collecteurs de semences de plantes endémiques, qui regroupe plus de 16 tribus indigènes de la réserve du bassin du Xingu et qui s’étend sur 2,6 millions d’hectares.
Création du réseau de collecteurs de semences du bassin du Xingu
Le fleuve Xingu est un des principaux affluents du fleuve Amazone et “Y Ikatu Xingu” signifie «une eau du Xingu propre et saine» dans la langue du peuple Kamayura, qui vit en amont du fleuve Xingu.
Lancé par l’ONG brésilienne Instituto Socioambiental (ISA), en partenariat avec des chefs indigènes du parc du Xingu, le réseau de graines du Xingu (ARSX) incite les communautés autochtones de la région à collecter et à distribuer les graines d’arbres natives dans le but de reforester les étendues de forêts perdues. Rare cas de collaboration entre les éleveurs, les peuples autochtones et les communautés rurales, le réseau est cependant dirigé par les communautés autochtones. Il compte aujourd’hui plus de 400 collecteurs de semences dans 21 municipalités et vend actuellement des semences de 200 espèces d’arbres différentes
Depuis 2008, plus de 560 collecteurs de semences, pour la plupart des femmes, participent à l’initiative, et ont pu collecter 250 tonnes de graines et restauré plus de 6 600 hectares de terres dégradées, le long du bassin du Xingu et de l’Araguaia et dans d’autres régions de l’Amazonie et du Cerrado.
Le plus grand réseau de semences endémiques du Brésil
Toutes les demandes en graines d’arbres sont reçues par l’administration centrale de l’ARSX, qui les sépare et les distribue à des groupes de collecteurs, en fonction de leur disponibilité et de leur capacité.
Le réseau gère les demandes de semences et forme les collecteurs aux meilleures pratiques, à la sécurité, aux techniques de prétraitement et à l’identification des espèces. Ces derniers sont ensuite rémunérés selon différents critères (espèce de graines, difficulté de la collecte et du prétraitement, innovation technologique, demande de la graine).
Les graines collectées sont ensuite traitées et vendues par le réseau qui promeut une technique traditionnelle de reforestation appelée “muvuca”, qui consiste à mélanger les graines de plus de plus 200 espèces forestières endémiques et à les répandre sur des terres brûlées, mal gérées ou déboisées.
Cette technique permet de planter dix fois plus d’arbres par hectare et cela à un coût deux fois moins élevé. La densité importante des plantes permet d’obtenir une structure forestière robuste et hétérogène, ce qui signifie un meilleur captage du carbone, une plus grande biodiversité et une meilleure pollinisation.
Selon Eduardo Malta Campos-Filho, un des experts forestiers de l’ONG ISA, les peuples indigènes possèdent une vaste connaissance des variétés de plantes utilisées autrefois par leurs ancêtres, et savent mieux que quiconque comment planter des graines dans le sol, pour restaurer rapidement les forêts et aider les jeunes arbres à survivre malgré la sécheresse, évitant ainsi de faire pousser les arbres en pépinières.
Aujourd’hui, ARSX est devenu le plus grand réseau de semences endémiques du pays. Les membres du réseau collaborent avec de nombreuses organisations amazoniennes pour assurer un approvisionnement et une variété génétique optimale. Selon le média Atlas of the future, le réseau est un terrain d’entente où différentes entités, cultures, systèmes de connaissances et ressources se rencontrent, unis par la forêt et son bien-être.
La collecte de semences : une opportunité de se reconnecter avec la forêt
Grâce à cette initiative, les communautés indigènes peuvent partager leurs connaissances entre eux, ainsi qu’avec les agriculteurs de la région. De plus, la collecte de semences est une source supplémentaire de revenu pour les peuples indigènes, une opportunité de se reconnecter avec la forêt et constitue une réelle alternative à la relocalisation urbaine.
Bruna Ferreira, PDG du Xingu Seed Network, a indiqué à la Fondation Thomson Reuters, qu’à travers le réseau de semences, “les gens sont retournés dans leurs forêts pour apprendre la variété de fruits, de feuilles et de racines que les anciens savaient manger.”
Dans la ville, Samauma, située dans l’État brésilien du Mato Grosso, les femmes indigènes du peuple Kayabi font partie de ce collectif. Elles parcourent la forêt dense qui entoure leur village, à la recherche de graines natives qui sont ensuite répandues sur des parcelles déboisées. Amanda, 18 ans, du peuple Kayabi, chef de file des collecteurs de semences dans son village, déclare : “Après avoir rejoint le réseau, j’ai réalisé que tout ce travail que nous faisons, la restauration des forêts, la restauration des sources du territoire indigène de Xingu, est pour notre avenir, l’avenir de nos enfants.”
La collecte de semences s’avère donc être un outil extraordinaire dans la lutte contre le dérèglement climatique, en protégeant la biodiversité, en accélérant le reboisement et en augmentant la valeur des forêts, qui seraient autrement considérées uniquement comme une ressource à exploiter. Cette initiative montre bien qu’il est plus que primordial de prendre en compte les connaissances ancestrales des gardiens de la forêt.
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Source principales :
Zona de Prensa “Las comunidades indígenas que luchan por salvar las selvas tropicales dicen que tienen un plan para recuperar la naturaleza perdida”
Partnerships for Forests “Xingu Seeds Network : harvesting native forest seeds”
Atlas of the Future “Small seeds doing good deeds”
Article rédigé par Charlotte Girard et Sarah Price