La Belgique plaide pour inclure l’écocide dans le droit pénal international


Planète Amazone salue la proposition du gouvernement belge d’inclure le crime d’écocide dans le droit pénal international, au même titre que les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. En effet, Planète Amazone prône depuis ses débuts la reconnaissance du crime d’écocide dans les systèmes juridiques nationaux et internationaux. En 2013, nous avons   d’ailleurs apporté notre  soutien à la diffusion d’une procédure d’action citoyenne pour inscrire dans la réglementation communautaire de réelles sanctions contre les atteintes graves à l’environnement. Plus récemment, en tant que partenaire de Stop Ecocide International, nous avons participé à la semaine d’action internationale pour la reconnaissance de l’écocide en mars 2022. 

La reconnaissance du crime d’écocide dans nos systèmes juridiques n’est pas une notion nouvelle, et elle est la clé dans le combat pour protéger l’environnement. Alors que cette reconnaissance fait l’objet de débats dans de nombreux pays, le gouvernement belge s’est récemment prononcé en faveur de son inclusion dans le droit pénal international lors de la dernière assemblée des États parties au Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale à La Haye.


Légende : Les dommages causés à l’environnement par la pollution. Crédits photo : Ihsan Adityawarman  | Pexels

L’écocide, qui signifie littéralement “abattre notre maison”, peut être plus largement qualifié de crime de grande ampleur contre l’environnement. Débattu au sein de la sphère internationale depuis de nombreuses années, le gouvernement belge s’est prononcé en faveur de la reconnaissance de ce crime dans le droit pénal international, lors de la dernière assemblée des États parties au Statut de Rome, de la Cour Pénale Internationale (CPI) de La Haye. 

Pour rappel, un écocide est la destruction ou l’endommagement irrémédiable d’un écosystème par un facteur humain, qui survient en général suite à sa surexploitation, intentionnelle ou non. Selon l’association Stop Ecocide International, l’écocide  peut être défini comme des “actes illégaux ou arbitraires commis, en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables“. C’est le cas par exemple des marées noires, du trafic d’espèces menacées ou de déforestations massives.

La reconnaissance du crime d’écocide dans le droit national ou international permettrait notamment de viser les plus gros pollueurs, personnes physiques ou morales, Etats et grandes entreprises. Cependant, pour pouvoir juger ce crime il faut prouver l’intentionnalité du coupable, qui aurait agi en connaissance des risques et conséquences possibles pour l’environnement. 

Dans le cas de la marée noire provoquée par le paquebot Erika par exemple, qui s’est produit en 1999 et a laissé s’échapper 20 000 tonnes de fioul lourd, le pétrolier en question aurait pu être accusé de crime d’écocide au vu de l’état de son embarcation avant son départ en mer. L’affréteur, Total,  était conscient des risques de naufrage, l’accusation de crime d’écocide aurait ainsi pu être portée devant la CPI ou au sein de toute juridiction qui l’a ratifiée. Pour rappel, en 2008, la France avait reconnu pour la première fois l’existence d’un préjudice écologique dans l’affaire du naufrage de l’Erika, lors d’un procès qui avait condamné Total et ses partenaires à verser près de 200 millions d’euros de dommages et intérêts. 

 

L’inclusion du crime d’écocide dans le droit national n’est pas une notion nouvelle

Historiquement, ce crime et son inclusion dans le droit national de certains pays ne sont pas nouveaux. En 1990, le Vietnam devient le tout premier pays à criminaliser l’écocide, suite à l’utilisation massive par l’armée américaine de l’herbicide “agent orange” lors de la guerre avec les États-Unis. Depuis, une dizaine d’autres pays ont suivi, comme la Russie, l’Arménie ou encore la Géorgie. Des débats sont aussi en cours dans des pays tels que la Suède, le Mexique, l’Équateur ou encore le Brésil. En France, l’adoption d’une loi qui pénalise le crime d’écocide faisait partie des 150 propositions de la convention citoyenne pour le climat mais n’a pas été retenue. En effet, dans le texte final de sa loi climat et résilience adoptée en mai 2021, le gouvernement français a finalement choisi d’amoindrir la mesure, en n’en faisant qu’un délit.  

Au niveau de l’Union Européenne, en mars 2022, la Commission européenne a ouvert un chantier de révision de sa directive visant à lutter contre la criminalité environnementale. La proposition de la Commission prévoit de contraindre les entreprises à mettre en place des mesures de prévention des atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants directs et indirects. En cas de manquement, leur responsabilité pourrait être engagée, et elles pourraient être tenues d’indemniser les personnes affectées. Bien que ce soit un pas dans la bonne direction, cette initiative ne reconnaît toujours pas, ne définit pas et ne condamne donc pas le crime d’écocide. 

Plus récemment, le gouvernement belge s’est prononcé en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide au niveau international. C’est Sophie Wilmès, ministre des Affaires étrangères, qui, au cours de la dernière assemblée des États parties au Statut de Rome, a défendu l’inclusion du crime d’”écocide” dans le droit pénal international. Cette demande permet à la Belgique de se placer comme l’un des premiers pays au sein de la communauté internationale  à prendre position sur ce sujet, à l’instar des Maldives et du Vanuatu en 2019.

 

Amender le Statut de Rome pour ajouter les atteintes grave à l’environnement

Le “Statut de Rome”, qui définit les crimes internationaux sur lesquels la CPI a un pouvoir juridictionnel, a été institué par cette même Cour en 1998. Entré en vigueur en 2002 suite à sa ratification par soixante États membres, ce traité encadre les crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale, tels que les génocides, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou les crimes d’agression. Pour reconnaître le crime d’écocide, il s’agirait donc d’amender le Statut de Rome et d’ajouter les atteintes à l’environnement aux côtés des autres crimes graves qui peuvent être jugés par la CPI, tels que ceux commis en ex-Yougoslavie ou lors du génocide au Rwanda.

Cette reconnaissance du crime d’écocide présente deux limites. Premièrement, la CPI n’est compétente que si le crime concerne une personne ou un territoire d’un des pays membre de l’ONU ayant ratifié  le Statut de Rome. Or parmi certains pays qui ne l’ont pas ratifié, on peut citer les États-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde. Deuxièmement, à ce jour, la CPI est seulement habilitée à juger les personnes physiques. Il s’agirait donc d’élargir la compétence de la CPI à toutes les  personnes morales, États et entreprises, pour inciter à une responsabilité environnementale, et de continuer à exhorter tous les États à ratifier le Statut de Rome.

 

Sources :

Moustique : “La Belgique veut inscrire le crime d’écocide dans le droit international”

Novethic : “Crime d’écocide : vers une définition universelle pour l’intégrer aux côtés des crimes contre l’humanité”

Novethic : Ecocide : la France sur la bonne voie mais loin derrière les pionniers

La Libre : Inscrire l’écocide dans le droit pénal européen ?

 

À lire aussi sur le site de Planète Amazone :

15 mars 2022: Mobilisons-nous pour la Semaine d’action internationale pour la reconnaissance de l’écocide

29 janvier 2022 : Ecocide : une coalition obtient l’interdiction d’une étude sismique de Shell en Afrique du Sud

8 novembre 2021 : Table ronde : « La protection de la planète : Garde sacrée et la loi d’écocide »

4 novembre 2021 : Table ronde : “Reconnaître le crime d’écocide et financer l’avenir”

 


Article rédigé par Léa Zamuner



Mis a jour le 2024-03-29 17:37:12

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