Qu’est ce que l’Alliance des Gardiens de Mère Nature ?
Du 9 au 30 novembre au 12 décembre 2015, s’est tenue, en France, la vingt-et-unième Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP21/ CMP11), aussi appelée « Sommet Paris Climat 2015 ». Alors que tous s’accordaient à clamer que l’échéance était cruciale pour l’avenir de la planète, le seul objectif que se sont fixés les 195 États participants a été de s’engager à maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’échéance 2100, sans en définir les modalités d’application. Habitués à être relégués en marge de ces grands rendez-vous internationaux, les peuples indigènes semblent les mieux placés pour témoigner de leur inefficacité à dégager des décisions viables et suivies d’effets.
En juin 1992, le Cacique Raoni participe, auprès de nombreux autres leaders indigènes d’Amérique du sud et d’ailleurs, à Eco 1992, le Sommet de la Terre de Rio. Un moment fondateur dans l’histoire des grandes négociations internationales qui marque un tournant dans la préoccupation des États en matière de climat.
La rencontre du Cacique avec le président français François Mitterrand et de nombreux autres responsables politiques internationaux trois ans auparavant, lors d’un mémorable tour du monde avec le chanteur Sting, a favorisé l’élaboration de ce qui deviendra le plus ambitieux programme de coopération internationale pour la protection de l’environnement. Le lancement du PPG7 (Programme Pilote pour la conservation des forêts de l’Amazonie brésilienne) est officialisé pendant le Sommet de Rio.
Cette initiative planétaire donnera, entre 1992 et 2009, des résultats très concrets : la protection, au Brésil, de 45,4 millions d’hectares de territoires indigènes (70 territoires identifiés et 115 autres démarqués) et l’établissement de 2,1 millions d’hectares de réserves, permettant leur préservation.
En octobre 2005, les engagements de financement s’élèvent à plus de 350 millions d’euros, dont 85 % proviennent de partenaires communautaires (La CE – 65 millions d’euros -, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie et la France). Étonnamment, les importants succès de ce programme et de ses applications n’ont pas permis qu’il soit poursuivi, adapté ou décliné. Une autre voie fut choisie.
En 2008, un an avant le terme du PPG7, le lancement du Programme substitutif ONUREDD (Programme de collaboration des Nations Unies sur la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement) a ouvert le marché du carbone forestier.
Controversé, il considère la préservation d’un écosystème complexe à travers la seule quantification des émissions de gaz à effet de serre. Les réductions d’émissions obtenues au moyen d’incitation REDD au niveau local ne garantissent pas l’arrêt des activités de déforestation au niveau national.
Ces activités pourront être déplacées vers un autre territoire à partir du moment où des solutions alternatives ne sont pas proposées aux agents responsables de la déforestation.
Les peuples indigènes, notamment lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable de Rio+20 en 2012, ont émis plusieurs documents critiques à propos du Programme REDD.
Ils dénoncent la marchandisation du vivant et des ressources naturelles, ainsi que la mise en place de contrats d’exploitation forestière à long terme, qui participent à la dégradation des territoires indigènes et menacent leur souveraineté.
Non seulement les projets REDD et leurs déclinaisons donnent une valeur arbitraire aux forêts, à partir de calculs peu fiables visant à déterminer le carbone qu’elles gardent captif, mais de plus ils permettent de cautionner la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles. Les crédits carbones qu’ils émettent sont en effet utilisés pour compenser et non pas diminuer la pollution des entreprises qui les utilisent.
Contrairement au PPG7 qui a permis certaines avancées notables, les chiffres récents témoignent de l’incapacité du Programme REDD à lutter efficacement contre la déforestation. Depuis 2013, après huit années de diminution, le taux de déforestation est reparti à la hausse sur le territoire brésilien.
Dans ce contexte, la non ratification par le Brésil de l’accord contre la déforestation, signé par 32 pays à l’ONU en 2014, est alarmante et montre la nécessité de dialoguer avec ce pays, qui abrite la plus grande superficie de forêt tropicale au monde.
Les différentes négociations internationales sur le climat, qui avaient pour objectif la stabilisation des gaz à effet de serre, ont jusqu’alors échoué. Selon les observateurs scientifiques et les ONG, l’accord établi lors de la COP21 à Paris, même mis en application par les plus grands pays émetteurs de CO2 au monde (États-Unis, Chine, Inde, Union Européenne), reste insuffisant.
Les projections actuelles parlent en effet d’un réchauffement entre 2,5 et 3 °C, alors que l’objectif de l’accord est de limiter celui-ci à 2 °C.
En juin 2014, des partenaires internationaux de l’Instituto Raoni, sous l’égide de l’ONG Planète Amazone, ont organisé pour les Caciques Raoni et Megaron des rencontres au plus haut niveau en Europe afin qu’ils puissent exposer aux décideurs européens le projet de créer une Alliance inédite de Chefs autochtones traditionnels et de défenseurs de l’environnement à l’horizon de la COP21.
Les deux leaders indigènes du peuple Kayapo ont à cette occasion été salués dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale française par le président Claude Bartolone, honneur réservé aux chefs d’État.
De nombreuses personnalités telles que SAS le Prince de Monaco, SAS le Prince de Galles, SAS le Roi de Norvège ou encore l’ancien Premier ministre Michel Rocard ont également accepté d’ouvrir un dialogue dans le cadre de cette campagne sobrement intitulée «S.O.S. Amazônia Tour».
Ces rencontres leur ont permis de poser les fondements d’un plan d’action pour la protection de la planète, la défense de la forêt, de leurs terres et de leurs cultures ancestrales, qui permettra également d’amorcer des projets d’envergure internationale favorisant les alternatives soutenables de développement.