Les peuples indigènes de l’Amazonie équatorienne à nouveau victime de l’industrie pétrolière


Planète Amazone dénonce depuis des années les projets d’exploitation pétrolière du gouvernement Équatorien. Une action de protestation avait d’ailleurs été organisée en février 2013 pour déjouer un projet de vente de concessions pétrolières à des groupes français, en pleine forêt d’Amazonie équatorienne (4 millions d’hectares). Planète Amazone tient à rappeler la position de l’Alliance des Gardiens de Mère Nature sur l’exploitation des énergies fossiles, qui est de « conserver les combustibles fossiles dans le sol, en mettant fin à l’exploration et à toute nouvelle extraction pour protéger Mère Nature ». 

Depuis le 28 janvier 2022, une importante fuite de pétrole brut, provoquée par la rupture d’un oléoduc, se propage au sein du parc naturel de Cayambe-Coca, situé en Amazonie Équatorienne. Le pétrole s’est également déversé dans la rivière Coca qui alimente en eau plusieurs villages des communautés autochtones Kichwa et Waorani, qui vivent dans les provinces de Napo, d’Orellana et de Sucumbios, situées au nord-est de l’Équateur. Plus de 60 000 personnes, appartenant à 105 communautés indigènes seraient directement impactées. Après l’affaire Texaco-Chevron de triste mémoire, encore un nouveau désastre écologique lié à l’exploitation pétrolière, qui porte atteinte à l’approvisionnement en eau et en nourriture, et à la santé des communautés indigènes en Équateur.


Photo exposant l’ampleur des dégâts de la fuite de pétrole survenue le 28 janvier 2022 dans le parc naturel Cayambe-Coca en Équateur. ©️ Ministerio del ambiente del Ecuador.

Photo exposant l’ampleur des dégâts de la fuite de pétrole survenue le 28 janvier 2022 dans le parc naturel Cayambe-Coca en Équateur.

La fuite de pétrole a eu lieu vendredi 28 janvier 2022 dans le parc national de Cayambe-Coca, situé dans la région nord-est de l’Equateur. Un pipeline de 485 kilomètres, qui traverse 4 provinces et qui est géré par la société privée OCP (Oleoducto de Crudos Pesados) a été endommagé par un glissement de terrain et des chutes de pierres, entraînant la rupture d’une section de l’oléoduc dans la région de Piedra Fina et contaminant plus de 21 000 m2 de l’aire protégée. 

Le Ministère de l’environnement équatorien a par ailleurs annoncé dans un communiqué du 31 janvier 2022 que le brut s’était également écoulé dans la Coca, une rivière majeure de l’Amazonie, qui se jette dans le fleuve Napo, et qui alimente en eau et en nourriture plus de 60 000 personnes, appartenant à 105 communautés indigènes. 

Selon les autorités, le glissement de terrain a affecté « quatre tuyaux de l’infrastructure », qui transporte 160.000 barils de brut par jour depuis des puits pétroliers en pleine forêt amazonienne.

Les dégâts causés à l’infrastructure de tuyaux de l’oléoduc traversant l’Amazonie équatorienne. ©️ Ministerio del Ambiente, Agua y Transición Ecológica de Ecuador
Les dégâts causés à l’infrastructure de tuyaux de l’oléoduc traversant l’Amazonie équatorienne. ©️ Ministerio del Ambiente, Agua y Transición Ecológica de Ecuador

L’OCP « assume la responsabilité de cet événement, causé par un cas de force majeure », a assuré dimanche son président exécutif, Jorge Vugdelija. 

Impact majeur sur les communautés autochtones et les écosystèmes

L’impact sur les écosystèmes et les communautés indigènes de la région pourrait être dramatique. Avec une superficie de 4000 km carrés, le parc naturel Cayambo Coca est un havre de biodiversité, abritant  des centaines d’espèces de mammifères (tapirs, cougars, ours) et près de 400 espèces d’oiseaux. Par ailleurs, de nombreuses communautés indigènes dépendent de la rivière et du fleuve pour se nourrir et s’alimenter en eau potable. 

La Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Confeniae), principale organisation autochtone du pays, a dénoncé, dimanche 30 janvier, le manque de communication de la part de l’OCP. « Il est clair que l’eau du fleuve ne peut pas être utilisée, ni consommée » a déploré l’organisation. Une vidéo postée sur leur compte Twitter montre clairement l’ampleur des dégâts sur les écosystèmes.  

Pour les peuples indigènes : Un passé qui se répète

Ce drame écologique en rappelle tristement un autre : “L’affaire Chevron/ Texaco”. Cette affaire remonte aux années 60. A l’époque, Chevron avait utilisé de manière intensive les réserves pétrolières de la forêt amazonienne. A son départ, 70 milliards de litres de matières pétrolières étaient venus se déverser et polluer de manière définitive les sols. Les populations locales avaient vu l’eau, dont elles dépendaient pour se nourrir, boire et se laver, devenir toxique et leur santé se dégrader de manière irréversible (cancers, malformations congénitales, complications respiratoires). 

S’en était suivie une bataille juridique de plus de 25 ans, menée de front par les populations indigènes. Bien que la compagnie pétrolière ait été condamnée à de multiples reprises par la justice équatorienne à réparer les dégâts causés, à l’heure actuelle, la compagnie pétrolière reste toujours impunie pour ses crimes et aucune compensation ni réparation n’ont été octroyées aux communautés impactées. 

Affaire Texaco Chevron : Plus de 70 milliards de litres de matières pétrolières avaient été répandus en pleine nature dans les années 60. ©️ Julien Gomba sur FlickR
Affaire Texaco Chevron : Plus de 70 milliards de litres de matières pétrolières avaient été répandus en pleine nature dans les années 60. ©️ Julien Gomba sur FlickR

Ce crime environnemental sans précédent n’a par ailleurs aucunement freiné l’exploitation d’hydrocarbures par les industries extractives dans la région. L’Équateur disposant d’importantes ressources en pétrole, son principal produit d’exportation, a continué d’octroyer des concessions dans cette zone de l’Amazonie, pourtant connue depuis plusieurs années comme géologiquement instable

Un même incident s’était d’ailleurs produit en mai 2020 suite à l’érosion des sols, occasionnant des dégâts aux deux oléoducs principaux de la région, l’oléoduc privé d’ OCP et l’oléoduc public (SOTE). 15 000 barils s’étaient alors déversés dans trois fleuves du bassin amazonien. 

Un énième exemple des dérives de l’exploitation pétrolière en Amazonie équatorienne.  

Face au manque de transparence des autorités et de l’OPC, les représentants de la Confeniae exigent « de savoir combien de barils ont été déversés et quel sera le processus de livraison d’eau et de nourriture aux communautés ». De son côté, le gouvernement équatorien a entamé une procédure administrative et judiciaire contre l’OCP et demandé à l’entreprise de mener une enquête détaillée pour mesurer l’impact du déversement. 

Le ministère de l’Environnement a indiqué dimanche 30 janvier « vérifier que les activités d’urgence, de nettoyage et d’assainissement dans la zone affectée se poursuivent correctement”. ».

Selon les informations communiquées par le journal Le Monde, le gestionnaire de l’oléoduc a indiqué avoir « commencé à fournir de l’eau potable » à plusieurs communautés de la zone touchée, telles que Toyuca, Sardinas et Guayusa, et promis de l’aide alimentaire et des soins médicaux. 

À ce jour, la quantité de pétrole déversée dans la nature n’a pas été communiquée officiellement. 

Planète Amazone dénonce encore une fois l’impunité des multinationales pétrolières, qui ne cessent de causer des dégradations environnementales irréversibles en Amazonie. Nous sommes évidemment de tout cœur avec les communautés indigènes affectées par ce désastre écologique.


Article rédigé par Sarah Price et Isis Zellit.



Mis a jour le 2024-03-23 14:49:41

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