La semaine dernière a été très ambiguë et confuse au sein du gouvernement de l’état de l’Acre de Gladson Cameli (parti indéfini, une autre confusion) en ce qui concerne la question environnementale. D’ailleurs, ambiguïté et confusion sont les deux caractéristiques de la gestion actuelle dans tous les secteurs. Alors que mercredi, Cameli recevait la visite du vice-président Hamilton Mourão pour présenter les actions développées par l’Acre dans la lutte contre la déforestation qui ne cesse de croître, le programme du week-end avec les ministres de Jair Bolsonaro (sans parti) visait à traiter d’un projet qui pourrait être considéré comme l’un des plus désastreux pour la protection de l’Amazonie – et pas seulement celle du Brésil.
Avec le ministre « chasseur de licornes » Ernesto Araújo (affaires étrangères) et Rogério Marinho (développement régional), Cameli a mis en œuvre un programme dans sa ville natale, Cruzeiro do Sul, pour traiter du projet de raccordement autoroutier de la capitale du Juruá – comme on l’appelle – à la ville péruvienne de Pucallpa, dans le département de l’Ucayali.
Si elle devait effectivement devenir réalité, l’autoroute passerait dans ce qui peut être considéré comme l’une des dernières zones les mieux préservées de l’Amazonie sur le continent. Et ce n’est pas une hyperbole. Le bassin de Juruá regroupe également l’une des plus fortes concentrations en biodiversité de la planète Terre, comme l’attestent les études scientifiques. Il compte des espèces qui sont encore inconnues de l’humanité.
Cette jungle amazonienne dense des deux côtés de la frontière abrite des dizaines de peuples indigènes en contact et ceux qui ont choisi de vivre dans un isolement volontaire. En regardant des images satellites aériennes de toute la région des rivières, des montagnes et des forêts qui sépare Cruzeiro do Sul de Pucallpa, on a une idée de l’impact qu’une autoroute peut avoir. Comme nous le savons, les routes sont le principal vecteur de la progression de la destruction amazonienne – et ce, quel que soit le côté de la frontière où elles se trouvent.
Jusqu’à présent, il n’existe aucun projet concret pour le tracé de l’autoroute, dont la livraison est promise pour la fin de l’année par le Département national des infrastructures des transports (DNIT). Le principal enthousiaste de l’autoroute est le leader du lobby de la tronçonneuse, le sénateur bolsonarista [partisan de Jair Bolsonaro, président du Brésil] et ancien marxiste Márcio Bittar (MDB : Mouvement démocratique brésilien). Avec la députée fédérale Mara Rocha (PSDB : Parti de la social-démocratie brésilienne), Bittar est l’auteur du Projet de loi (PL) 6024 qui transforme le Parc national de la Serra do Divisor en Zone de protection de l’environnement (APA), dont les règles de préservation sont beaucoup plus souples qu’un parc.
L’unité de conservation est justement sur le chemin de l’autoroute. Le PL a été présenté avec pour justification l’élimination de la barrière juridique pour la construction de l’autoroute. Cependant, le décret de création du parc (du 16 juin 1989) prévoyait déjà la possibilité d’un passage routier dans ces parties.
Le véritable intérêt du déclassement de la Serra do Divisor en APA est l’exploitation de ses richesses de surface et souterraines, notamment du gaz de schiste. Bittar s’enthousiasme également pour l’activité minière et d’extraction des pierres qui composent ce paysage de montagnes séparant le Brésil et le Pérou.
Il semble que l’enthousiasme pour la route Cruzeiro do Sul/Pucallpa soit beaucoup plus intense (et soit peut-être uniquement) de ce côté de la frontière. Pucallpa n’a pas du tout besoin de ce raccordement à l’Acre, car elle dispose déjà de routes qui la relient à tout le Pérou. Et, soyons honnêtes, le Brésil n’a rien à offrir au marché de l’Ucayali.
Jusqu’à présent, on ne sait pas quelle serait l’implication du gouvernement péruvien pour prendre part également au projet. Le programme du chancelier Ernesto Araújo a marqué la volonté de Brasília d’entamer des négociations diplomatiques avec Lima. La question est de savoir jusqu’où les voisins seraient prêts à prendre quelques millions de soles de leur budget pour financer l’entreprise.
L’autoroute d’intégration entre l’Acre et le Pérou construite dans la première décennie des années 2000 a été pratiquement entièrement financée par le gouvernement brésilien. La société Ipiranga (entreprise pétrolière brésilienne) serait-elle prête à débloquer quelques millions, voire des milliards de réaux, pour un investissement aux résultats économiques douteux ?
D’en haut, on peut voir que les Péruviens tournent complètement le dos à la frontière amazonienne avec le Brésil, et sont beaucoup plus orientés vers leur relation historique avec l’océan Pacifique. Pour Cruzeiro do Sul, la route ne s’avère pas non plus très avantageuse, car la ville est reliée au reste du Brésil par la BR-364.
Le raccordement au Pacifique est le principal argument des dirigeants actuels de l’Acre pour défendre la liaison routière de Cruzeiro do Sul à Pucallpa, présentée comme la grande rédemption économique de l’État. Ils présentent cet argument comme s’ils avaient inventé la poudre, ou inventé la roue. Cependant, l’Acre est déjà relié aux ports péruviens par l’Autoroute interocéanique (Rodovia Interoceânica ou Carretera del Pacifico), qui jusqu’à aujourd’hui ne nous a pas non plus apporté la rédemption économique tant promise par ses créateurs (les petistas, partisans du Parti des travailleurs).
Il n’y a donc aucun argument logique du point de vue environnemental, économique et logistique pour une autoroute dont le seul héritage serait la dévastation d’un des derniers sanctuaires de l’Amazonie. Et comme si les conséquences d’une politique désastreuse pour la protection de la plus grande richesse de l’Acre ne suffisaient pas, le gouvernement de Gladson Cameli agit pour mettre en place une route qui ne relierait rien à nulle part.
« Ce sera la pagaille. Plus rien ne sera sous contrôle. L’agrandissement des limites de déforestation se fera de manière intensive. Si aujourd’hui l’organisation environnementale ICMBio (Institut Chico Mendes de conservation de la biodiversité) n’a aucun contrôle, imaginez avec une route. Ce sera de la pure spéculation foncière. Cela servira à faciliter l’invasion des terres publiques », a déclaré Miguel Scarcello, secrétaire de SOS Amazônia, dans une interview accordée au blog en juillet.
Le gouvernement de Gladson Cameli apporterait beaucoup plus de développement et garantirait « de la nourriture dans la bouche des habitants de l’Amazonie » – comme il l’a lui-même affirmé cette semaine – s’il investissait dans des politiques publiques de valorisation des produits forestiers si abondants dans la Vallée du Juruá et tellement sous-estimés. Garantir un marché et un prix pour ces produits, c’est assurer un revenu et une qualité de vie à des milliers d’habitants de l’Acre qui vivent dans la forêt sans avoir à la détruire pour y placer du bœuf ou du soja.
Au lieu de vouloir privilégier le grand agrobusiness qui ne profite qu’à une poignée de ruralistes, Cameli devrait concentrer ses efforts sur le renforcement de l’agriculture familiale, qui est celle qui met vraiment de la nourriture dans la bouche des habitants de l’Amazonie. En allant dans la direction opposée, il préfère laisser en héritage des projets qui contribuent à accélérer la dévastation de la plus importante forêt tropicale de la planète.
Image satellite montrant la séparation entre Cruzeiro do Sul et Pucallpa, formée par une forêt intacte – jusqu’à présent
Source : Google Earth
© www.fabiopontes.net, le 27/09/2020, traduit du portugais par Margarida ATAIDE – Article original