La première session de l’Assemblée constituante a mis en évidence le caractère progressiste de ses membres, qui se sont joints aux manifestants pour protester contre l’intervention policière qui se produisait aux abords de l’ancien siège du Congrès du Chili. La session a été interrompue pendant une heure, mais finalement c’est Elisa Loncón qui a été choisie, au deuxième tour, en tant que présidente de l’Assemblée qui doit rédiger la nouvelle Grande Charte du Chili.
Les changements se poursuivent au Chili. Les peuples autochtones qui encore ce dimanche n’apparaissaient pas dans la Constitution, auront désormais une femme mapuche comme présidente de l’organe qui créera la nouvelle loi fondamentale.
Ce dimanche, durant l’inauguration de l’Assemblée constituante, Elisa Loncón, docteure en linguistique et professeure à l’Université de Santiago, a été élue présidente après deux votes. C’est à l’occasion du deuxième tour qu’elle a pu dépasser la majorité simple, avec 96 votes.
Au cours d’un discours émouvant, Loncón a parlé de refonder le Chili et d’établir un nouvel État plurinational, où les femmes doivent aussi jouer un rôle central : « Nous avons toujours été les laissées pour compte de l’histoire, aujourd’hui nous renaissons. Merci aux femmes de tous les peuples », écrit-elle sur Twitter.
Este sueño es de nuestros antepasados, este sueño se hace realidad, es posible refundar este Chile, establecer una nueva relación entre las naciones originarias y todas las naciones que conforman este país. (Video CNN) pic.twitter.com/XNQzMFo6lS
— Elisa Loncon – Constituyente Mapuche (@ElisaLoncon) July 4, 2021
Parmi ses fonctions de présidente, Loncón se chargera de définir l’ordre des débats, de programmer les discussions et de répartir le travail. Elle devra aussi réussir à articuler un dialogue au sein d’une assemblée qui se caractérise par sa diversité politique.
Une première session qui a débuté avec du retard et des incidents
Le Chili a vécu une journée historique, au cours de laquelle les constituants, peuples indigènes et manifestants ont revendiqué au cours de marches pacifiques dans les rues, la première étape vers la rédaction de la nouvelle Grande Charte.
Cependant, aux abords du bâtiment de l’ancien Congrès chilien, où les constituants prenaient possession de leurs fonctions, des affrontements ont eu lieu entre les manifestants et la police.
Les manifestations et l’intervention policière qui s’en est suivie ont provoqué la suspension de la session d’inauguration de l’Assemblée constituante. © Martin Bernetti / AFP
Cet événement a été accueilli par une grande partie des constituants au cri de « Plus de répression ! », alors que d’autres abandonnaient la session. Une interruption qui s’est prolongée durant une heure.
Certains élus, comme Vale Miranda, qui à 20 ans est la plus jeune déléguée, ont protesté contre l’intervention de la police qu’ils ont tenté de freiner lors de l’interruption de la session.
« Avec d’autres constituants, nous avons décidé de bloquer les voitures des Carabiniers qui venaient réprimer nos peuples sur la Plaza de Armas. Maintenant ils sont en train de nous frapper et ils viennent de m’ouvrir la lèvre ! Que le monde entier sache qu’il n’y a pas de démocratie au Chili ! »
Junto a más constituyentes decidimos no dejar pasar los carros de Carabineros para reprimir a nuestros pueblos en Plaza de Armas. ¡Ahora nos están golpeando y me acaban de romper el labio! ¡Que el mundo entero se entere que en Chile no hay democracia! #ConvencionConstituyente
— Vale Miranda Constituyente D8 (@ValeMirandaCC) July 4, 2021
Une constitution pionnière dans le monde
Malgré l’interruption, rien n’a pu éviter l’investiture d’Elisa Loncón en tant que présidente de l’Assemblée constituante. Ce sera la première Constitution au monde rédigée par un organe paritaire et la première de l’histoire du Chili qui inclura les indigènes, groupe qui représente 12,8 % de la population.
La nouvelle Grande Charte remplacera celle en vigueur depuis 1980, héritière de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).
C’est précisément contre cet ordre que s’est produite l’explosion sociale d’octobre 2019, au cours de laquelle eurent lieu des manifestations pour un modèle socio-économique plus juste et qui ont fait plus de 30 morts et des milliers de blessés et de détenus.
C’est sous la forme d’une proposition de nouvelle Constitution que le Gouvernement de Sebastián Piñera a tenté d’apaiser les manifestations. Cette forme de Constitution a été approuvée par référendum en octobre 2020 par plus de 80 % des Chiliens, qui ensuite, en mai de cette année, ont voté pour élire les délégués chargés de la rédiger.
Les membres de l’Assemblée constituante réunis lors de la première session pour rédiger une nouvelle Constitution. © Ivan Alvarado / Reuters
L’Assemblée constituante est composée de 77 femmes et 78 hommes ; de ces 155 délégués, 48 sont indépendants, 37 de la coalition des droites et proches du gouvernement de Piñera, 17 appartiennent aux peuples indigènes et le reste à la gauche et au centre gauche.
Après l’élection d’Elisa Loncón, les constituants auront 9 mois qui pourront être prorogés jusqu’à un an pour rédiger la nouvelle Constitution historique du Chili.
Parmi les thèmes qui seront abordés, on trouve l’eau, le droit à la propriété, l’indépendance de la banque centrale, mais aussi le droit du travail.
Des thèmes qui recoupent la plurinationalité que revendiquent les indigènes aymaras et mapuches, qui avant la cérémonie ont réalisé des chants et des danses spirituelles dans les rues avoisinantes de l’ancien siège du Congrès chilien.
Avec EFE et Reuters
©France24.com, le 05/07/2021, traduit de l’espagnol par Georges POYARD, Article original par Lluís Muñoz Pandiella