La Cour fédérale d’Altamira, dans l’État du Pará, a reconnu que la centrale de Belo Monte avait causé des perturbations considérables « dans les traits culturels, le mode de vie et l’utilisation des terres par les peuples indigènes, provoquant une instabilité significative dans les relations intra- et interethniques ».
L’action, initiée en 2015 par le ministère public fédéral, indique que Norte Energia, l’entreprise responsable du projet de centrale hydroélectrique, a provoqué un ethnocide chez les peuples indigènes de la Volta Grande do Xingu dû aux travaux du complexe hydroélectrique.
Sur la base de ces constats, la décision, encore provisoire, ordonne des changements concernant la mise en œuvre du Plan environnemental de base des indigènes de Belo Monte. En outre, elle exige que l’Union et la Fondation nationale de l’indien (FUNAI) présentent dans les 90 jours un calendrier pour l’achèvement des processus de régularisation foncière des terres indigènes Paquiçamba, du peuple Juruna Yudjá, et Cachoeira Seca, du peuple Arara.
L’injonction détermine également que Norte Energia devienne responsable de la mise en œuvre du Programme du Moyen Xingu et mette en place un Conseil délibératif, un Comité indigène et un Plan de gestion, avec la présence de représentants des neuf peuples indigènes concernés et de la FUNAI.
Par ailleurs, une Commission externe de suivi et d’évaluation sera créée, composée du ministère public fédéral (MPF), de représentants de la Coordination des organisations indigènes de l’Amazonie brésilienne (COIAB) et d’organisations non-indigènes de la société civile travaillant dans la région du Moyen Xingu.
La décision cite une série de préjudices, dont la fragmentation des peuples indigènes dans de nombreux villages, afin d’obtenir la somme d’un peu plus de 4 500 euros (30 000 R$) par mois à verser par village, la précarité sanitaire, alimentaire et sociale, l’augmentation de la consommation de boissons alcoolisées et de drogues illicites et l’augmentation des produits industrialisés.
Pour le chef Mobu Odo, du peuple Arara de la Terre indigène (TI) Cachoeira Seca do Iriri, les dégâts causés par la centrale à la culture des peuples indigènes de la région sont irréparables. « Cela a beaucoup interféré avec notre culture. De nombreux jeunes du village ne veulent plus respecter notre culture. La culture de l’homme blanc est devenue très forte à l’arrivée de ces entreprises », dit-il.
Selon lui, depuis l’invasion blanche, les jeunes Arara ont remplacé les divertissements traditionnels, tels que les peintures corporelles, les danses et les fêtes traditionnelles, par le forró et des boissons alcoolisées en excès : « La culture, les gens ne la respectent plus, ils ne veulent plus s’amuser comme des Indiens, se peindre, notre culture normale. Ils ne veulent plus de cela pour eux ».
Le chef dit que les invasions, principalement de bûcherons, ont augmenté de façon étonnante depuis le début des travaux. « Je ne pense pas que cela reviendra un jour à la normale. La tendance n’est ici qu’à la hausse. Augmenter l’exploitation forestière, augmenter ces mauvaises choses. Nous sommes très préoccupés par la présence de mauvaises choses dans notre culture, dans nos coutumes. C’est trop de “blanc” qui entre ».
Rafaela Xipaia, de la communauté Tukamá, affirme que la centrale a changé la façon dont les indigènes qui vivent près de la cascade de Jericoá se nourrissent. Elle rapporte que la sécheresse du fleuve Xingu a modifié le régime alimentaire traditionnel des habitants, qui était basé sur les ressources naturelles telles que le poisson et les fruits.
Avec des animaux maigres, morts ou inexistants, l’alternative est d’aller au marché, loin de la communauté. « Pour l’instant, nous achetons de la petite friture. Nous achetons de la viande, du poulet. À la fin du mois, quand vous faites les comptes, vous y laissez vos 200 réaux », dit-elle.
Pour Rafaela, la centrale a également divisé les populations indigènes, créant des conflits entre les peuples en quête de terres et de nourriture. « Belo Monte a réussi à diviser les peuples, à diviser les familles. Avant, nous étions tous ensemble. Aujourd’hui, il y a des indigènes riverains, des indigènes pêcheurs, des indigènes hors du territoire. Alors que ce peuple n’est qu’un seul peuple, un peuple indigène ».
Résidant à proximité d’un barrage hydroélectrique, elle dit craindre que les dégâts soient encore plus importants.
« Rien de ce qu’elle donne ne compensera ce qu’elle a détruit. Je ne parle pas seulement de la vie humaine, mais aussi de l’environnement. Elle a mis fin à l’environnement, elle a mis fin aux poissons, elle a mis fin à nos vies. Elle a mis fin à notre paix. Je ne sais pas si je vais dormir et me réveiller vivante ou si je vais pouvoir poser la tête sur mon oreiller et me relever. Nous sommes sous un barrage. »
© Brasil de Fato, Erick Gimenes, édition Rogério Jordão, le 18/11/2020, traduit du portugais par Margarida ATAIDE – Article original