En 1973, la route BR-319 était entièrement pavée de Porto Velho, dans l’État du Rondônia, à Manaus, dans l’État d’Amazonas. Cependant, à cause des pluies diluviennes de la région – qui a le plus fort taux de précipitations de l’Amazonie – la route est devenue impraticable et fut laissée à l’abandon dès 1988. L’administration de Bolsonaro n’est pas la première à vouloir la reconstruction de cette route, mais c’est le seul gouvernement à avoir mis le plan à exécution : la rénovation est en cours depuis 2021.
Des incendies et une déforestation en augmentation
On observe une hausse de 41 % des incendies et de 9 % de la déforestation le long de la route BR-319 en 2021. Ce n’est pas une coïncidence si les incendies et la déforestation se sont aggravés. Bien qu’on remarquait déjà une augmentation de ces phénomènes dès 2017, suite à l’annonce du gouvernement de l’État d’Amazonas de mettre en oeuvre le plan de restauration, 2021 “a été la pire année depuis 2010 le long de la route”, comme le souligne Paula Guerido, chercheuse en politique publique à l’Institut pour la Conservation et le Développement Durable de l’Amazonie (IDESAM).
En effet, depuis le début de l’année 2021, deux portions de 200 kilomètres chacune ont déjà été pavées : la section qui débute à Porto Velho et celle du côté de Manaus. Àprésent que ces deux tronçons ont été rénovés, le plan porte désormais sur celui du milieu, de 400 kilomètres entre Humaita et Borba. Cette section n’est pas encore reconstruite, qu’on y a déjà atteint des taux de déforestation records l’année dernière, les communes les plus touchées étant Tapua, Manicore et Canutama.
La situation ne s’est pas améliorée en 2022 : “Les résultats de janvier 2022 sont alarmants. Le taux de déforestation a été 339 % plus élevé qu’en janvier 2021, dans la zone la plus prisée de la BR-319” informe Paula Guarido.
Les peuples indigènes et les écosystèmes en danger
Cette augmentation des foyers d’incendies et de la déforestation est dramatique pour l’avenir de la forêt amazonienne, qui joue un rôle crucial dans la régulation de la température de la Terre mais qui, depuis les années 2000, continue un peu plus à perdre sa capacité de régénération écologique.
Dans son plan de reconstruction de la BR-319, le Président Bolsonaro ne prend pas en considération le fait que la zone abrite plus d’une soixantaine de terres indigènes et quarante-deux zones protégées (“conservation units”), censées être préservées de par leurs caractéristiques spécifiques. Aucun des peuples indigènes résidant le long de la route n’a d’ailleurs été consulté par rapport au plan de rénovation, comme l’exige la convention n°169 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
Selon Fernanda Meirelles, coordinatrice des politiques publiques à l’IDESAM et secrétaire exécutive de l’Observatoire BR-319, il s’agit d’une région très importante en termes de biodiversité car elle est située entre deux rivières : “En plus des 69 territoires indigènes recensés, plusieurs d’entres eux appartiennent à des peuples en situation d’isolement volontaire.”
Ce mépris pour la vie des peuples indigènes ne vient pas que de la capitale. En novembre 2021, l’Assemblée nationale brésilienne a adopté deux amendements dans l’État de Rondônia, qui ont été signés par le gouverneur, visant à réduire deux zones protégées et en éradiquer une troisième. La réserve de Jaci-Parana a ainsi été réduite de 191 000 à 169 000 hectares, et celle de Guaraja-Mirim de 216 000 à 166 000 hectares. Les deux amendements ont fini par être jugés inconstitutionnels par la Cour suprême fédérale mais le mal était déjà fait :7 818 hectares de forêt ont été détruits en 2021. Les peuples indigènes habitant le long de la route sont donc les premières victimes des conséquences de la rénovation : incendies et déforestation mettent leur mode de vie en péril.
Un autre problème qu’entraîne une telle rénovation est celui de l’occupation des bords de la route. À cause des chantiers, plus de gens viennent s’installer le long de la route ce qui est problématique à deux niveaux. D’un côté, ce phénomène favorise la création de ce que l’on appelle “des chemins en arête”, des chemins qui apparaissent de part et d’autre d’une route principale, et qui favorisent la fragmentation de la forêt ainsi que la déforestation. D’un autre côté, cela engendre une augmentation de la prostitution et en particulier, la prostitution infantile.
Sources :
MongaBay : “Surge in deforestation as Brazil pushes to pave a forgotten Amazon road”
MongaBay : “BR-319 highway hearings: An attack on Brazil’s interests and Amazonia’s future (commentary)”
LatinaRepublic : “BR-319 Highway Threatens the Heart of Brazil’s Amazon”
((O))eco : “Justiça de Rondônia julga inconstitucional lei que reduziu duas unidades de conservação no Estado”
À lire aussi sur le site de Planète Amazone :
8 avril 2022 : Bolsonaro : roi de la politique écocidaire et anti-indigène
9 mars 2022 : L’Amazonie approche de son point de basculement à grande vitesse.
25 octobre 2020 : José Gregorio : si nous ne préservons pas la forêt amazonienne, la planète prendra sa revanche
19 septembre 2019 : Pourquoi l’Amazonie brûle-t-elle ?
Article rédigé par Elise Fréau