Au Pérou, le gouvernement régional de Loreto a proposé, via la publication d’un manifeste le 25 avril dernier, l’abrogation de la loi pour la protection des peuples en situation d’isolement et de premier contact, connue sous le nom de PIACI N°28736. Cette proposition a provoqué la mobilisation de l’Organisation régionale des peuples autochtones de l’Est (ORPIO), une fédération autochtone péruvienne regroupant plus de 500 communautés et 113 000 personnes, appartenant à plus de 17 peuples indigènes de la région de Loreto (nord-est du pays).
Soutenues par l’Association interethnique pour le développement de la forêt pluviale péruvienne (Aidesep), d’autres organisations locales, comme l’Organisation régionale Aidesep Ucayali (ORAU) et l’organisation pour la coordination régionale des peuples autochtones d’Aidesep Atalaya (COORPIA), ont également exprimé leur désaccord avec cette initiative du gouvernement régional.
L’ORPIO dénonce une décision qui “obéit aux intérêts de groupes économiques qui cherchent à exploiter les forêts et les ressources naturelles, sans respecter les droits territoriaux des peuples autochtones”.
Les peuples isolés de l’Amazonie péruvienne sont reconnus depuis plus de trois décennies par l’État péruvien et ses entités, mais aussi par de nombreuses organisations internationales, dont les Nations Unies (ONU) et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). La loi PIACI garantit ainsi aux peuples en situation d’isolement volontaire, c’est-à-dire qui ne sont pas en contact avec le reste de la société, de rester indépendants et de conserver leurs droits territoriaux.
Une menace qui pèse sur les peuples isolés de l’Amazonie péruvienne
En cas d’abrogation de la loi PIACI, selon l’Aidesep, les territoires de ces peuples isolés seraient encore plus vulnérables aux invasions de leur territoire et susceptible de disparaître.
L’ORPIO a qualifié l’initiative du gouvernement régional de “crime contre l’humanité et contre ces populations qui jouissent des mêmes droits humains et constitutionnels que les autres”.
De son côté, l’association COORPIA a rappelé, le 26 avril 2022, que ces communautés indigènes se retrouvent dans une situation de grande vulnérabilité sociale, culturelle et épidémiologique. En ce sens, l’association a indiqué qu’elle continuerait sa lutte pour renforcer le suivi et le contrôle des actions menées par le ministère péruvien de la Culture.
L’organisation Ucayali a quant-à-elle exprimé ses inquiétudes par rapport aux menaces que font peser sur ces peuples les activités illégales telles que l’exploitation minière, le trafic de drogue ou encore l’exploitation forestière. Sans la protection de la loi PIACI, ces menaces seraient décuplées.
L’importance de prouver l’existence des peuples isolés
En défense de sa proposition d’abroger la loi PIACI, le gouverneur régional Elisban Ochoa prétend, sans preuves, que ces peuples isolés n’existent pas, ce que les associations dénoncent vivement. Dans un communiqué publié le 27 avril dernier, l’ORAU affirme qu’une étude menée par les organisations indigènes prouve bel et bien l’existence de peuples isolés dans les communes de Madre de Dios, Junín, Huánuco, Cusco, Ucayali, Huánuco et Loreto.
Lors d’une annonce, l’ORPIO a indiqué que les peuples isolés “sont extrêmement vulnérables et sont actuellement menacés d’extermination en raison de l’absence de mesures de protection de leur vie et de leurs territoires, ce qui est aggravé par la violation continue de leurs droits et le déni même de leur existence”. Ceci malgré le fait que l’État reconnaît officiellement depuis plus de trente ans leur existence sur leurs territoires ancestraux.
Toutes les organisations indigènes s’accordent à dire que la signature du Manifeste de la Région de Loreto, est “une expression chargée de racisme et de discrimination” et qu’elles n’hésiteront pas à porter plainte contre les autorités régionales, en raison de leur proposition et de leur insistance à violer les droits et le cadre normatif national et international de protection des peuples en situation d’isolement volontaire.
Enfin, l’ORPIO appelle les organisations internationales à exiger de l’État péruvien qu’il respecte les mécanismes de protection des droits de ces peuples isolés, prévus par la loi PIACI, et rejette formellement le manifeste du gouverneur de Loreto, afin de garantir les droits constitutionnelles de ces communautés.
Sources :
Pressenza : “Attempts to remove protection for peoples in isolation rejected”
Actualidad ambiental : “Rechazan manifestó par derogar la ley piaci”
Orpio : Pronunciamiento
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3 octobre 2020 : 45 campements miniers illégaux détruits à Pariamanu, Madre de Dios, Pérou
Article rédigé par Charlotte Girard et Sarah Price