12 000 barils de pétrole brut déversés dans l’océan Pacifique, soit 1 700 tonnes de pétrole. Une vingtaine de plages souillées. Une faune et une flore en péril. Voici le triste bilan, dressé fin janvier, de la catastrophe écologique qui perdure depuis presque trois semaines. Aux dernières nouvelles, la zone touchée s’étend sur environ 11,9 kilomètres carrés de mer et de littoral, ce qui équivaut à environ 1 252 terrains de football, selon l’Agence d’Évaluation et de Contrôle de l’Environnement (OEFA).

Les côtes péruviennes dévastées par une marée noire !
Cet événement est décrit par le gouvernement péruvien comme le « pire désastre écologique qu’ait connu le pays ces dernières années ». Les populations locales et indigènes de la région, déjà fortement exposées à la détérioration de leurs écosystèmes, font désormais face à cette nouvelle menace. Contraints et forcés, ils s’affairent à nettoyer les couches de pétrole venues recouvrir les plages en s’exposant aux gaz toxiques. De nombreux bénévoles sont venus leur prêter main forte.
La pêche est désormais impraticable et l’activité portuaire au pas, l’économie de cette partie du pays s’en trouvant paralysée. La faune locale est également en danger, nombreuses sont les espèces marines (poissons, oursins, loutre de mer, oiseaux marins…) prises au piège ou ayant trouvé la mort. Certaines d’entre elles pourraient venir à disparaître définitivement comme l’explique, auprès de Mongabay, l’avocat César Ipenza : « Il existe une faune endémique en voie de disparition comme la loutre de mer ou le manchot de Humboldt qui est désormais plus vulnérable en raison de ce déversement. » Le secteur touristique est également touché de plein fouet par la catastrophe, en cette période d’été austral.

Le pétrole ne cesse de se déverser et deux zones naturelles protégées sont également menacées. Le journal Reporterre, déclare : « Cette catastrophe va polluer la réserve nationale des îles, îlots et pointes Guano sur 512 hectares et la zone protégée d’Ancon sur 1 758 hectares.» Face à la situation, les habitants sont désemparés. L’un d’eux s’est confié à FranceInfo, affirmant : « Je suis vraiment inquiet de savoir quel impact cette marée va avoir.»
Le géant pétrolier, Repsol, nie toute responsabilité
Alors que l’État péruvien demande à la compagnie pétrolière espagnole des dédommagements, suite au déversement ayant causé la marée noire, cette dernière nie toute responsabilité. Repsol affirme « que les autorités maritimes péruviennes n’avaient pas émis d’avertissement concernant les conséquences possibles de l’éruption aux Tonga. »

Cependant le média national, La República, a publié plusieurs articles démontrant la responsabilité de la compagnie espagnole dans cette catastrophe écologique. Le président péruvien, Pedro Castillo, s’est rendu à Chorillos où il a pu constater l’ampleur des dégâts. Après s’être entretenu avec des pêcheurs artisanaux, il a affirmé qu’il prendrait les mesures nécessaires pour que l’entreprise réponde de ses actes et paie les réparations civiles et environnementales. Ajoutant, que ce n’est pas la première fois que la compagnie espagnole est pointée du doigt pour sa responsabilité en matière de catastrophe environnementale. En effet, un article de La República, rappelle que Repsol est accusée de « 32 infractions, dont l’amende s’élève à environ 500 000 soles (environ 113 810 euros).»
Dans un entretien accordé à Mongabay, le ministre de l’environnement, Julio Guzmán, a déclaré : « (…) pour la première fois le parquet spécialisé dans les crimes environnementaux pourra poursuivre l’entreprise responsable en justice civile et demander une indemnisation pour les dommages environnementaux causés.» Vendredi 25 janvier 2022, le parquet a rendu une première décision juridique stipulant l’interdiction formelle de quitter le pays pendant dix-huit mois pour quatre responsables de l’entreprise Repsol le temps de poursuivre l’enquête, selon Le Monde.
À ce jour, le directeur exécutif de la compagnie pétrolière, Jaime Fernández-Cuesta Luca de Tena, s’est engagé à participer au nettoyage des plages et affirme que d’ici fin février ce sera chose faite. Il a ajouté avoir un effectif important de personnes et de machines afin de participer au nettoyage du littoral.
Le média BRUT fait un point sur la situation actuelle au Pérou. Le mazout continue de s’étendre au large des côtes portant gravement atteinte à l’un des écosystèmes marins “les plus riches en biodiversité au monde”.
Une enquête est en cours afin de déterminer le niveau de responsabilité de la filiale pétrolière Repsol. Selon une première estimation, le montant du préjudice environnemental s’élèverait à environ 60 millions de soles, soit 13 millions d’euros. Par ailleurs, les experts estiment qu’il faudra plusieurs décennies pour reconstruire l’écosystème aujourd’hui anéanti.
Au total, fin janvier, les experts déplorent plus de 180 hectares de littoral impactés et 713 hectares de zone maritime. Le Monde affirme que plus d’un tiers du mazout propagé sur les côtes péruviennes a été récupéré. Le 31 janvier, Le Parquet a également conclu, qu’il est important de s’interroger sur l’éventuelle responsabilité “d’institutions publiques péruviennes qui supervisent les opérations maritimes et pétrolières.” Pour l’heure, la préoccupation première est de nettoyer au maximum les plages atteintes par le pétrole afin que la pollution de l’environnement, déjà importante, soit limitée. Mais le mieux serait encore de suivre le conseil des Gardiens de la Terre en la matière : “keep the oil in the ground” (“gardons le pétrole dans le sol”).
Par Béatrice Fidalgo.