En octobre 2018, la France adoptait la loi Egalim, qui prohibait l’exportation de pesticides interdits sur son sol dès 2022. Elle visait l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées au niveau européen. Les raisons étaient liées à la santé humaine et animale et à l’environnement.
Mais des failles dans cette loi permettent aux géants de l’agrochimie de poursuivre ce commerce décrié. Ainsi, au total, les autorités françaises ont approuvé 155 demandes d’autorisation. Cela correspond à une quinzaine de molécules interdites, selon l’association suisse Public Eye et Unearthed, cellule investigation de la branche britannique de Greenpeace.
Pourquoi la France autorise-t-elle l’exportation de pesticides interdits ?
L’interdiction prévue par la loi sur l’alimentation promulguée en 2018 s’applique aux produits phytopharmaceutiques « contenant » des substances non autorisées en Europe. Mais elle ne concerne pas les substances actives elles-mêmes. Aussi, profitant de cette distinction, les industriels peuvent-ils, en toute légalité, continuer d’exporter des produits interdits sous forme pure. Et ils ne s’en privent pas. L’eurodéputée écologiste française Michèle Rivasi, qui suit de près ce dossier, se dit « scandalisée » par les faits mis en lumière :
« C’est un détournement de la loi qui visait à faire cesser cette pratique honteuse à l’origine de violations des droits humains et de désastres environnementaux en dehors de l’Union européenne. »
Plusieurs substances ont ainsi profité de cette faille. En tête de liste : la picoxystrobine. Depuis janvier, les autorités françaises ont autorisé le géant de l’agrochimie étatsunien Corteva à expédier, sous forme de substance pure, plus de 2900 tonnes de ce fongicide extrêmement dangereux. La grande majorité – 2400 tonnes – était destinée au Brésil, où ce fongicide est principalement utilisé dans la culture de soja. Ces exportations françaises représentent, à elles seules, 85 % du volume de picoxystrobine utilisé chaque année au Brésil.
De nombreuses sociétés d’agrochimie trouvent des parades
Il en va ainsi de Syngenta. Grand producteur et exportateur de l’atrazine depuis la France, le groupe a stoppé ses activités françaises en 2021 pour exporter depuis l’Allemagne… Dès lors, prohiber l’exportation des pesticides interdits au niveau de l’Union européenne s’impose. Un constat partagé par les autorités françaises, qui reconnaissent que l’interdiction d’exportation au niveau national « peut être contournée » en exportant depuis un pays voisin, et qu’il est donc nécessaire qu’elle « se généralise à l’ensemble de l’Union européenne ». Mais après le récent rétropédalage de la Commission européenne, sous la pression des lobbys de l’agrochimie, il n’y a pas de décision en vue pour une telle interdiction.
L’usage des pesticides au Brésil : un désastre pour l’environnement et les droits humains
Insecticides, fongicides et autres herbicides sont utilisés pour accroître les productions et multiplier les récoltes de soja, de café ou de coton. L’usage de nombreux d’entre eux, interdits en Europe, dont le glyphosate en tête, est autorisé par l’Agence de vigilance sanitaire brésilienne. Ils contaminent pourtant les terres et les eaux et sont une menace pour la santé des populations locales.
En outre, l’utilisation massive de pesticides est souvent associée à de graves violations des droits humains, comme en témoigne un rapport des Nations Unies (OHCHR 2019). Ainsi, des pulvérisations par avion, sans respect des zones tampons légalement définies pour protéger les maisons et les centres communautaires se produisent, comme dans le Mato Grosso do Sul, dans le but d’expulser les peuples indigènes de leurs terres.
Sources :
Public Eye : « La France continue d’exporter des pesticides interdits »
Office of the high commissioner human right des Nations Unies : « Déclaration de fin de visite du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les substances toxiques et les droits de l’homme »
Novethic : « Pesticides : malgré la loi Egalim, la France continue d’exporter des substances interdites »
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Article écrit par Laetitia Forestier pour Planète Amazone