Jeudi matin, le prétendu propriétaire du terrain a brutalisé les familles qui avaient décidé d’occuper, pour la deuxième fois, un territoire reconnu comme étant le leur.
Les tensions liées à l’absence de régularisation des terres ne cessent de s’aggraver. Cette fois-ci, les faits ont eu lieu dans la juridiction de Tartagal, dans le département de San Martín, et concernent la communauté du peuple Guarani « Taperigua Flor del Arete Guasú ».
Pour la deuxième fois cette année, des membres de la communauté ont voulu se rendre sur le territoire pour commencer à construire des maisons pour une vingtaine de familles. Ils ont installé des panneaux autour de la communauté et comme il y avait des enfants avec leurs mères, ils ont commencé à faire bouillir de l’eau dans une casserole pour préparer du thé pour les plus petits.
Sur des enregistrements vidéos qu’ils ont réussi à récupérer, on peut voir un homme, qui s’appellerait selon eux Díaz et qui serait le propriétaire du terrain, qui commence par enlever les panneaux. Il s’est ensuite approché avec l’intention de jeter la casserole d’eau bouillante, mais une des femmes de la communauté l’en a empêché.
Sur la vidéo, on peut entendre M. Díaz leur dire entre deux insultes : « Si vous avez un peu de respect, foutez le camp ! », « La prochaine fois je mets le feu au camp ! » ou encore « Qu’est-ce que vous venez foutre ici ? ». Pendant cette scène, on peut voir que les policiers présents sur les lieux paraissent passifs et observateurs, mais il a été établi qu’ils ont ensuite fait office de médiateurs et sont restés sur place jusqu’au départ de M. Díaz.
Dans la vidéo, on ne peut que constater la peur sur les visages. Il y a environ cinq mois, les membres de la communauté avaient voulu faire la même chose. Mais cette fois-ci, ils s’étaient fait agresser par M. Díaz qui, accompagné par la police, les avait violemment chassés du territoire, comme l’avait déclaré à Pagina/12 Silvina García, la présidente de la communauté.
Le territoire réclamé par une vingtaine de familles de la communauté est situé au nord de Tartagal (chef-lieu du département de San Martín), entre Zanja Honda et Cuña Muerta. « Les gens sont venus ici pour trouver de l’eau, parce qu’en haut, ils n’en ont pas », a déclaré Mme García. La première fois qu’ils ont voulu occuper le terrain, M. Díaz était venu accompagné d’autres personnes et de la police « avec des bâtons, et ils avaient même voulu piétiner une personne âgée », a-t-elle ajouté.
Cette fois-ci cependant, l’attitude de la police a été différente. Et ce n’est pas une coïncidence. L’avocate de la communauté, María Cecilia Jezieniecki, a remis une lettre à la police de Tartagal.
« Compte tenu de la possibilité d’engager des plaintes pour troubles ou tout autre type de plainte pénale ou d’action civile contre nous et dont la communauté indigène et ses membres pourraient être victimes en raison de l’occupation de leur propre territoire ancestral, nous venons déposer le présent communiqué dans le but de faire savoir à qui de droit que notre action s’inscrit dans l’utilisation de notre territoire indigène, un droit inscrit dans notre Constitution nationale et dans les traités internationaux des droits de l’homme, et qu’elle ne peut en aucun cas être considérée comme un quelconque type de crime », indique le document.
L’avocate avertit également que, compte tenu de ce qu’elle indique et du relevé cadastral réalisé par l’Institut national des affaires indigènes (INAI), approuvé par la Résolution n° 53/2020, toute action susceptible de violer les droits territoriaux de la communauté doit être abandonnée.
L’utilisation du territoire
Selon le relevé réalisé en 2016 sur un territoire qui a toujours été occupé et la Résolution qui porte approbation de ce relevé, « il y a des preuves solides que le domaine en question fait partie de notre territoire et donc toute action ou plainte déposée contre la communauté en raison de son occupation doit être immédiatement rejetée et archivée », comme l’indique l’avocate dans son communiqué.
Elle explique même « comment est organisé le territoire d’une communauté indigène ». Elle soutient ici que contrairement au mode de vie occidental où chaque famille vit sur une parcelle, les communautés organisent leur territoire en fonction de leur culture et de leur mode de vie. Il est parfois courant d’avoir un lieu où les membres de la communauté résident et installent leurs maisons et d’autres zones destinées aux activités traditionnelles telles que la chasse, la pêche, ou encore la récolte. On note également la présence de lieux ancestraux.
« L’ensemble du territoire auquel nous avons eu et avons encore un accès ancestral est considéré comme une propriété de la communauté indigène et il est important, afin de respecter notre identité et notre culture, de garantir l’accès et l’utilisation libre de tout le territoire. Ainsi, on peut voir que dans notre cas, l’INAI a délimité un territoire que nous utilisons pour le logement et un autre auquel nous attribuons d’autres usages ».
Il est également expliqué que dans ce cas, la communauté a décidé d’agrandir la superficie de logement puisque la croissance démographique a fait que les terrains destinés à ces constructions sont insuffisants pour loger les nouvelles familles qui se forment. « C’est pourquoi nous avons dû nous agrandir, puisqu’il est nécessaire à cette fin d’occuper un territoire ancestral en montagne qui était auparavant utilisé pour d’autres buts. Nous expliquons cela, non pas parce que nous devons rendre compte à qui que ce soit de ce que nous faisons sur notre territoire, mais pour dissiper tout doute quant à la légalité de notre activité », précise l’avocate.
En énumérant les différentes réglementations qui prévoient la protection des peuples indigènes au niveau constitutionnel et juridique, elle avertit que « toute action de la police, de l’État, ou mandatée par des tiers et ayant pour but d’interférer avec l’utilisation de nos territoires est interdite et doit être automatiquement abandonnée lorsqu’il est clairement établi qu’elle peut menacer l’exercice des droits territoriaux indigènes, ce qui signifie que toute action entreprise par une communauté indigène sur son territoire ne peut jamais être classée comme étant un crime ou une infraction à la loi ».
© Pagina/12, le 18/10/2020, traduit de l’espagnol par Catherine MEUNIER – Article original