Les dirigeants d’une communauté indigène isolée Yanomami se sont plaints qu’une mission militaire, destinée à fournir du matériel et des équipements de protection pour lutter contre le coronavirus, ait augmenté le risque d’infection parmi sa population en raison de contacts avec des étrangers, parmi lesquels des journalistes.
Les procureurs fédéraux ont déclaré être en train d’enquêter sur cette visite car celle-ci n’a pas tenu compte du désir des communautés Yanomami de rester isolées de la société. Les règles de distanciation sociale ont été enfreintes et de la chloroquine a été distribuée aux populations autochtones.
Mardi et mercredi, des soldats ont transporté des fournitures médicales par hélicoptère vers des avant-postes à la frontière avec le Venezuela et ont rassemblé des familles Yanomami pour réaliser des tests de détection du nouveau coronavirus, une initiative enregistrée par un contingent de journalistes.
“Nous avons été surpris par la visite du gouvernement. Nous ne souhaitons pas faire partie de la propagande du gouvernement”, a déclaré l’un des dirigeants du peuple Yanomami dans une vidéo.
Les Yanomami sont le dernier grand peuple autochtone vivant en isolement relatif dans une vaste réserve et, pendant des décennies, leurs terres ont été envahies par des garimpeiros qui ont apporté des maladies mortelles à leur population.
Roberto Yanomami, chef d’une communauté de Surucucu a déclaré que le gouvernement avait organisé le voyage sans consulter les dirigeants autochtones.
“J’étais très surpris par cette visite, nous n’avons pas été consultés. C’est pourquoi je suis très en colère contre vous, parce que vous avez fait des erreurs, vous avez appelé les Yanomami sans explications et vous les avez mis à l’intérieur de la caserne”, a-t-il déclaré lui aussi dans un message vidéo, le visage coloré en noir par la peinture de génipa.
“Vous avez réuni des personnes étranges venues de l’extérieur. Je n’accepte pas que vous veniez sans nous consulter, ne faites plus ça. Je suis le leader ici, celui qui dirige dans la région, c’est moi… Je n’accepte pas que vous soyez ici en train de prendre des photos de nos enfants et des femmes Yanomami”.
En charge de la mission de mercredi, le ministre de la Défense, Fernando Azevedo, a déclaré aux journalistes que la pandémie était sous contrôle chez les Yanomami, puisque les médecins n’ont détecté aucun cas de COVID-19 parmi les Indiens.
Son commentaire a été réfuté par le Conseil de la santé des indigènes du district des Yanomami (Condisi), qui affirme qu’il y a déjà eu plus de 160 cas confirmés et cinq décès parmi la population de plus de 27 000 personnes.
Dans une déclaration envoyée à Reuters, le ministère de la Défense a déclaré que tous les membres de la mission avaient été correctement examinés au préalable pour dépister la présence de la COVID-19 et que la chloroquine était utilisée depuis plus de 70 ans contre le paludisme, répandu dans la région amazonienne.
Le Conseil a demandé au procureur général d’enquêter sur la visite et l’envoi de chloroquine, un médicament antipaludéen dont l’efficacité dans l’utilisation pour le traitement des patients atteints de la COVID-19 n’a pas été démontrée.
Le parquet a déclaré que l’armée ne protège pas les Yanomami de leur principal risque de contagion : les garimpeiros sur leurs terres, estimés à plus de 20 000.
© A Crítica, 3 juillet 2020, traduit du portugais par Nicolas Casuccio – Article original