Le célèbre leader historique du peuple Awajun a été emporté par la COVID-19. Il avait participé de manière pacifique et défensive à l’une des plus importantes manifestations pour les peuples autochtones du Pérou, ce qui lui avait valu de recevoir une rafale de mitraillette qui avait failli lui coûter la vie.
Santiago Manuin Valera, le plus représentatif et exemplaire des leaders Awajuns, est décédé de la COVID-19 dans la nuit du 1er juillet à l’âge de 63 ans dans un hôpital de Chiclayo.
Le guide moral et leader historique est connu pour son rôle héroïque et pacificateur lors du conflit social de 2009 qui lui avait valu de recevoir plusieurs impacts de balles pour avoir voulu mettre un terme à la répression policière et apaiser le conflit à Bagua.
Le leader indigène est décédé après être passé par trois centres hospitaliers en quête de soins appropriés.
Sekut Manuin, sa fille, raconte que son père a commencé à présenter une fièvre élevée dès le 17 juin, alors qu’il se trouvait dans sa résidence de Santa María de Nieva, dans la province de Condorcanqui.
Trois jours plus tard, il a été emmené à l’hôpital de la ville où on lui a diagnostiqué une pneumonie compatible avec la COVID-19.
Lorsque son état s’est compliqué à cause du diabète dont il souffrait, il a été transporté à l’hôpital II Gustavo Lanatta Luján de Bagua, où le diagnostic de COVID-19 a été confirmé.
Son état se dégradant, il a été transféré à l’hôpital Luis Heysen Incháustegui de Chiclayo très tôt mardi matin, où il est finalement décédé.
Blessé lors du conflit de Bagua
Santiago Manuin est connu pour être un des leaders de la manifestation qui avait soulevé tous les peuples amazoniens en 2009 pour protester contre le second gouvernement d’Alan García Pérez.
Le conflit a démarré à la suite de la promulgation par le gouvernement d’une série de décrets portant atteinte aux droits territoriaux des communautés indigènes d’Amazonie.
Le 5 juin 2009, alors que la police commence à réprimer la population autochtone qui manifeste pacifiquement dans la région connue sous le nom de « Curva del Diablo » (le « Virage du Diable »), Santiago Manuin tente de mettre fin à la violence et s’approche de la police les mains en l’air dans le but d’apaiser la tension.
La réponse de la police ne se fait pas attendre et il reçoit une rafale de mitraillette qui lui laisse plusieurs impacts de balles dans le corps. Sa mort présumée, ainsi que la répression aveugle et féroce de la police et de l’armée, déclenchent un conflit majeur.
Ce jour-là, 33 personnes (23 policiers et 10 natifs) perdent la vie. Manuin est alors accusé d’avoir été l’instigateur de ces manifestations. Son procès durera plus de sept ans et prendra fin le 22 septembre 2016 avec l’acquittement de tous les indigènes inculpés.
Défenseur reconnu des droits de l’homme
Né en 1957 dans la communauté de Quebrada de Dominguza, un des affluents de la rivière Marañón, dans la région de l’Amazonas, Santiago Manuin a toujours montré une vocation pour les causes sociales.
C’est ce qui l’a amené à exercer des fonctions de dirigeant et à présider le Conseil Aguaruna et Huambisa (CAH), la principale organisation indigène du Haut Marañón.
En 1994, il a reçu le prix Reine Sofía d’Espagne pour son travail de défense de l’Amazonie et des droits de l’homme. Plus tard, en 2014, après les événements de Bagua, le leader Awajun a de nouveau été mis à l’honneur, cette fois par la Coordination Nationale des Droits de l’Homme (Coordinadora Nacional de Derechos Humanos – CNDDHH).
C’est alors qu’on lui a remis le Prix National des Droits de l’Homme « Ángel Escobar Jurado » en récompense de son engagement pour la défense des droits du peuple Awajun.
Lors de son discours, le 10 décembre 2014, Manuin a déclaré qu’il n’avait pas honte et qu’il ne regrettait pas la grève pacifique organisée en 2009 qui avait mis les peuples autochtones sur le pied de guerre.
« Avec ou sans prix, je reste moi-même et je continuerai à consacrer ma vie à mon peuple », avait-il déclaré lors de la remise de la récompense.
© Servindi, le 3 juillet 2020, traduit de l’espagnol par Emmanuelle Cugny – Article original