Chaque année, en plein coeur des montagnes Chapada dos Veadeiros à Goiás, se réunissent plusieurs peuples indigènes, quilombolas, petits producteurs et artisans du Brésil. Le mois dernier, ils en fêtaient la 10ème édition de Aldeia Multietnica, une rencontre qui perdure depuis 16 ans. Parmi toutes les personnes présentes et les cultures indigènes, une personnalité n’est pas passée inaperçue. Il s’agit de Tanoné, l’unique femme cacique des 7 ethnies présentes, accompagnée de son peuple, la tribu Kariri Xocó .
Tanoné, de son vrai nom, Ivanice Pires Tanoné, dirige le peuple Kariri Xocó composé de 70 personnes à Alagoas au sein d’une zone connue sous le nom de Terre indigène du Bananal, non loin de Brasilia. Cela fait maintenant 32 ans que Tanoné lutte ardemment afin de conquérir un bout de terre pour son peuple. C’est en partie suite à cette cause qu’en 2005, cette dernière a été choisie pour devenir cacique, faisant ainsi partie du petit nombre de femmes à diriger un peuple indigène au Brésil.
Consciente que cela reste encore un cas rare – seulement 20 femmes indigènes sont caciques dans tout le Brésil – puisque traditionnellement, les femmes devaient se soumettre aux hommes.
“Elles ne pouvaient sortir de la maison sans leurs maris, puisqu’ils commandaient sur tout ! Maintenant, les femmes ont pris les rênes et eux (les caciques) sont très en colère vis à vis de nous.”
La présence des femmes caciques dans les réunions dérange, les hommes préfèrent ne pas venir jugeant que c’est une honte et les considèrent toujours inférieures à eux. Les divergences sont palpables des deux côtés et cela engendre des conséquences à tous les niveaux.
Tanoné qui a été mariée pendant 25 ans, préfère aujourd’hui se consacrer uniquement à son peuple car selon elle, se marier, ce serait se “salir”. Pour cette dernière, “l’homme apporte beaucoup de bons moments, mais il salit aussi la chair et je ne veux pas vivre dans la chair, je veux vivre dans la spiritualité. Et pour vivre dans la spiritualité vous devez renoncer à ce que vous aimez le plus.”
Cacique, soeur, mais également mère, Tanoné considère que guider un enfant n’est pas toujours une tâche aisée et donner la vie à un enfant indigène de nos jours, c’est synonyme de souffrance. “Soit vous enseignez le bon chemin à votre enfant, soit il est perdu. […] Je sens que le génocide d’il y a 500 ans recommence à nouveau aujourd’hui. J’ai déjà 18 petits-fils, arrière petits-fils, arrière-arrière petits-fils et je n’arriverai peut-être plus à les voir grandir. Je pleure parce que c’est mon fardeau. La chair n’est rien sans l’esprit.
Tanoné : © Isabella Lanave/R.U.A Foto Coletivo
Pour la cacique, beaucoup d’influence négative sur les indigènes provient de la ville : “nous sommes en train de perdre notre culture tribale à cause des médias. Nos parents les plus traditionnels, pour la plupart, sont depuis plus de 100 ans en contact avec les hommes blancs, d’autres depuis 150 ans mais il en existe encore qui ne sont pas connus : ceux-là sont plus en sécurité que nous !” garantit-elle.
Son unique réconfort ? Le grand esprit, son père, qu’elle retrouve, isolée, avec sa pipe. “Mon réconfort, c’est mon père, je n’ai besoin des bras de personne d’autre. C’est lui mon grand esprit.”
© Revista Trip / traduit en français par Planète Amazone (Cristiana Esteves Lima) / Article original